Kimi traîne comme une âme en peine dans le repère d'Eldo depuis deux jours. Elle a besoin de se dégourdir les jambes, de se distraire un peu. Sur le tableau des missions, une petit fiche indique « Cambriolage, magasin matelas ». C'est une mission simple, rapide, pas dangereuse et drôle. Kimiko sourit et prend le papier.
Le soir même, elle se rend au magasin. Seule, on s'en fout. Y a pas de danger. Un seul gardien, qui à une certaine tendance à s'endormir paraît-il...
Kimiko marmonne une petite comptine pour enfant tandis qu'elle entre tranquillement dans ledit magasin. Elle se paie même le luxe de tester les matelas. Elle se glisse doucement entre les lits, les pieds nus, sans un bruit.

Mais quelqu'un ronfle. Cachée derrière un sommier, elle cherche l'origine du bruit. Une minute passe. Quand elle découvre enfin l'origine du ronflement, Kimiko ne peut s'empêcher de laisser échapper un petit « hin » moqueur. Le gardien de nuit dort sur la caisse, quelle bravoure. Elle le regarde quelque minutes en riant intérieurement.

Puis soudain, une idée... Elle court au bureau de l'entrée et récupère un feutre noir. Puis revient et dessine un magnifique moustache sur l'homme endormi. Merveilleux.
Kimiko finit par se mettre au travail, cherchant la serrure du coffre tranquillement...

Elle l'a trouvé, la serrure. Mais ce n'est pas ce a quoi elle s'attendait. Il y a respectivement une serrure à clé et un digicode. Rien de bien compliqué en soi, mais l'espèce d'hurluberlu accroché au coffre et qui soupire « mon roi je vous aime » dans son sommeil depuis un quart d'heure... Et bien, il faudrait qu'il disparaisse de là. À peine avait-elle commencé à fomenter un plan diabolique que l'homme endormi devint l'homme réveillé et bizarre.

Il grogne quelque chose, Kimiko ne bouge pas. Elle relève légèrement la tête, un sourcil levé. Il va falloir qu'elle se sorte de cette situation avec brio et rapidement. Avec la caisse si possible. Bon courage... Elle le regarde faire, sans bruit, sa respiration ralentie au maximum.
Mais au fond, il n'y a que dans le dessin animé que le gardien se réveille et se rendort sans avoir vu le voleur sous son nez...

▬ Puis-je vous aider ? Les horaires du magasin sont 9h-21h.

Un soupir. Un gros soupir. En fait, cette situation risque d'être particulièrement amusante.  Un large sourire s'étale sur le visage de Kimi. C'est parti. Elle se retourne enfin, prenant un air coupable. Un peu comme celui d'un chien qui aurait fait une énorme connerie et qui espère que son air triste vous fera changer d'avis.

▬ En fait, oui. J'aurais besoin de la combinaison du coffre... S'il vous plaît.

…. Ben quoi ? On peut toujours essayer.

▬ Navré mademoiselle, je n'ai que la clé de ce coffre. Le code est connu des gentils messieurs qui viennent en récupérer le contenu chaque matin. Maintenant, si vous avez besoin de quelque chose à l'intérieur, je peux vous y faire rentrer. Ca, ce n'est pas un problème. Par contre ne faites pas de bruit, je suis de garde ce soir et j'aimerais bien dormir tranquillement.

... Un blanc. Qui dure, et qui dure encore. Celle-là, elle l'avait pas vu venir. Peut-être qu'en fait ce cambriolage sera le plus facile de toute sa jeune carrière de voleuse. Un sourire charmeur vient prendre la place sur ses lèvres rose. Elle fait quelque pas en avant, croise ses mains dans son dos, comme une petite fille.

▬ En fait, si tu en es capable, j'aimerais que tu sortes ce qu'il y a dans le coffre, que je puisse... vérifier quelque chose.

Quoi ? Elle va pas vendre la mèche de suite non plus. Même si il doit bien avoir compris. Est-ce qu'il a compris ? Ce gardien est bel et bien le type le plus loufoque qu'elle est jamais vu de sa vie.

▬ Si tu m'aides, je te laisses pioncer tranquillement, promis.

Il fait disparaître le coffre. Kimiko jubile en voyant tout cet argent flottant dans les airs. Ses yeux brillent d'envie. Pendant quelques minutes, elle semble hypnotisée, totalement absorbée par la valse aérienne des billets de banque. Mais au moment où elle tend la main pour en attraper.. Tout disparaît. Et reprend sa place initiale.

▬ Non. Non, décidément ça n'est absolument pas comme je l'imaginais. - elle soupire, capricieuse comme une enfant - Je veux les toucher. Et les récupérer. J'en ai besoin ! Maintenant. Sinon, ma proposition de te laisser dormir ne tient plus...

Elle croise les bras, tout en boudant de façon magistrale.

Les alarmes. Kimiko sursauta, manquant de se payer un sommier dérrière elle. Mais à peine le vacarme avait-il commencer qu'il s'était arrêter. Les yeux plissés, Kimi commençait à se rendre compte que ce drôle de type n'était peut-être pas si insignifiant que ça. Pas si inoffensif en définitive.
ET ses soupçons se virent confirmer lorsque, à sa plus grande surprise, elle se retrouva en l'air, flottant dans la position la plus inutile qui soit : l'étoile de mer.

▬ Fais moi redescendre !

¨Plus elle essayait de gigoter, plus les liens invisibles qui la maintenaient en l'air se resserraient.

▬ Fais moi descendre de suite.

Le ton était froid, plus du tout amusé au final. Ses yeux devinrent rouges.

▬ Non tu vas attendre avec moi les autres. Allez je suis bon prince, je te file un matelas pour dormir.

Bon Prince. Un matelas. Kimiko serre les dents. Elle est en train de s'énerver de façon exponentielle. Le fait d'être coincée dans les airs n'aide pas. Ses yeux foncent un peu plus, et son envie de meurtre de dégager s'intensifie. Au final, cette mission commence à devenir le plus gros échec de sa carrière.

▬ Fais moi redescendre tout de suite.

Les dents serrée, allongée sur ce matelas flottant, elle concentre tout son être sur le réseau sanguin du gardien de nuit. Remonte jusqu’à son cœur. Un battement, deux battements, un raté. Kimi oblige le sang à ralentir. Il va bientôt suffoquer... Sentir son corps s'allourdir de façon trsè très désagréable.

▬ FAIS MOI REDESCENDRE TOUT DE SUITE !

Pendant un instant, Kim pense qu'elle délire. Que la fièvre est reveue et qu'elle est six mois en arrière en train de crever sur son lit d'hôpital . Mais non, ce n'est pas une illusion. C'est bel et bien l'espace. Le néant, le vide. Les étoiles, la Lune et plus bas la Terre. Elle secoue la tête de bas en haut, totalement paniquée. Les chaînes se libèrent mais elle ne bouge pas. La terreur qui la saisit est la même que celle des enfants qui pensent avoir vu un monstre sous leur lit. Elle voudrait hurler, mais ses poumons sont vides. Plic. Une goutte de sang coule le long de son nez, puis s'écrse sur le matelas.

▬ Maintenant, je dors okay Starfish-chan ?

Ses mains tremble tandis qu'elle observe le vide. Une goutte de sang, deux gouttes.

▬ Redescend moi, s'il te plaît. REDESCEND MOI ! PITIE REDESCEND MOI EN BAS !

Le flot de liquide ocre coule maintenant de façon régulière. Dommage Kimi, c'est pas vraiment le bon mutant. Elle voudrait pleurer, mais sa terreur est telle que plus rien ne semble vouloir sortir d'elle à part le sang.

Elleferme les yeux en priant très fort pour qu'il daigne enfin la faire redescendre. Un moment se passe et une drôle de sensation l'envahit, comme si elle se distordait. La même sensation qu'à l'aller pour la Lune. Mais quand elle ouvre les yeux, il fait noir. Et elle est coincé dans un espace clos, restreint.

Elle pose sa main par terre, sent du papier.
Derrière elle c'est un mur froid, du métal.

Elle tend sa main en avant mais l'homme étrange touche son front, faisant cesser l’écoulement nasale et hémorragique de Kimi.
La jeune femme recule brusquement et se cogne la tête contre la paroi..

▬ On est dans le coffre... On est dans le coffre...

L'argent au final, ne l'intéresse plus. Elle veut juste sauver sa peau de ce coup tordu et s'en aller loin, trèèèès loin. En campagne peu-être. Dans un coin calme.

▬ Je veux sortir. Et juste.. Sortir et m'en aller. Avec ou sans le fric, ça m'est égal, je veux m'en aller.

▬ Nope, pas envie. Tu vas rester là avec moi, on va passer une super nuit. Sur ce, dors bien inconnue.

Kimi serre les dents, en grimaçant. Elle se sent piégée. Ce qui est le cas, elle est piégée dans un coffre fort avec un homme inconnu aux pouvoirs défiant toute logique et condamnée à attendre que les gardiens de jour viennent la chercher.

Mais s'ils la trouvent...

▬ Ecoute, je... passons un marché. Je reste et je te sers d'oreiller cette nuit, sans t'empêcher de dormir mais demain... Demain tu devras me faire sortir avant que les autres n'arrivent. Ok ?

Elle prie pour qu'il dise oui, pas question qu'elle se retrouve en prison. Elle préfère encore déclencher sa propre mort.

▬ Ok, deal. Bonne nuit Oreiller-tan, bouge pas trop s'il te plait.

Elle soupire soulagée. Elle ne finira pas en prison, elle lui fera tenir sa promesse. Même si pour ça il faut qu'elle le réveille en lui enfonçant ses doigts dans les narines.
Il s'installe tranquille et Kimi grogne un peu. Mais elle n'a pas tant le choix que ça malheureusement.

▬ Tu sais que tu es agréable Oreiller-tan ?
▬ Tu sais que tu n'es pas obligé de faire des commentaires. Dors. Me parle pas, ou je vais regretter d'avoir passé un marché avec toi.

En fait elle le regrettait déjà. Mais pas le choix.
Elle a dit qu'elle servirait d'oreiller, elle fera l'oreiller.

Kimi grommelait dans sa barbe. Il l'avait appelé "oreiller-tan" quand même. Elle n'avait pas tiqué sur le moment mais maintenant qu'il n'y avait plus aucun bruit, elle sentait monter une colère bouillonnante. Respire ma fille, respire.
Elle décala sa main, un peu engourdie, qui commence à s'emplir de fourmillements.

▬ .. Ma man est engourdie. Et cesse de m'appeler comme ça, ça fait absolument pas partie du marché. Est-ce que je t'appelle "chieur-tan' moi ?

Kimiko lance un regard agacé au gardien, puis se souvient qu'il fait noir et qu'il ne peut certainement pas la voir. Elle grimace, et ferme les yeux. Autant dormir un peu.

Bizarrement, à chaque fois qu'il ouvre la bouche, Kimi sent une irrépressible envie de meurtre se manifester. Exactement en même temps, étrange n'est-ce pas ?
Elle lance des regards assassins dans le noir, se résignant à être enfermée de ce putain de coffre avec un gardien un peu trop collant. Mais soit, elle prend sur elle, se souvient de ce à quoi elle échappe si elle reste là.

▬ Et donc...Heu. C'est quoi ton nom ? Je m'appelle Mugetsu.

Et le voilà qui se colle dans son cou. Un frisson de dégoût parcoure le dos de Kimiko, qui, à ce stade, est au bord de la crise de nerfs.

▬ Kimiko, je m'appelle Kimiko. Mais je ne vois pas trop l'utilité de telles civilités. Tu aurais simplement arrêter de m'appeler "oreiller" ça aurait suffit.

LARGEMENT !