Y a des choses qui méritent d'être vécues de temps en temps. C'est amusant. Un voyage en train, pourquoi pas ? Kimiko devait disparaître de la surface de la planète Tokyo. Pendant trois, quatres jours. Juste histoire de se faire oublier un peu. Et d'oublier aussi. Ce qui est assez ironique puisqu'elle est amnésique. Pouvoir effacer toute sa vie en un éclair et devoir s'échapper pour oublier une seule aventure foireuse. Iro-nique.
Elle s'était calée dans un coin du compartiment, à côté d'une vielle dame fort aimable mais aussi fort sourde et muette. Utile quand on ne veut absolument pas avoir d'échange avec les membres de sa propre espèce pendant un temps. Blottie contre la vitre, le paysage qui défilait l'ennuyait à mourir. Un gros soupir fit naître un peu de buée sur la vitre. Elle y dessina un cœur. Comme une gamine l'aurai fait.
Le sommeil s'insinuait peu à peu. Perfide sommeil.

La scène qui suit se passe au ralenti. Un homme entre, profère des menaces. Kimi s'endort encore un peu. Elle suit la scène avec un seul œil ouvert, complètement hors de la réalité. Il gueule, postillonne sur les passager. Elle trouve ça dégueulasse. Les postillons, c'est vraiment quelque chose qui la dégoûte profondément. Elle grimace, ouvre enfin ses deux yeux. Une portefeuille sorti de nulle part s'écrase sur le visage de l'homme. Qui semble hébété un instant..

Elle se retient de rire.
Elle explose de rire.

La grand-mère à côté d'elle est totalement paniquée.

▬ Bouge pas mamie.

Les yeux de Kimi prennent une teinte rouge sang. En un éclair, elle choppe la jambe du preneur d'otage. Le contact lui permet d'agir au cœur même des cellules sanguines. Elle bloque totalement l'apport en oxygène des muscles. Ce qui provoque d'horribles crampes à s'qui paraît. Kimi n'a jamais essayé sur elle-même mais l'homme qui se tord de douleur par terre semble confirmer la théorie.

Elle lance un joli sourire à sa nouvelle mamie. Puis se retourne vers Rambo et son cure-dent.

▬ Joli couteau. Inutile cela dit. T'aurais plutôt du gros scotch, histoire de l'accrocher quelque part ?

▬ Nope, j'ai laissé mon kit de kidnappeur à la maison, c'est con. 

Elle sourit, continuellement. Mais au fond, ça ne la fait pas rire. En fait, ça l'agace même un peu.

Les battements de cœurs affolés de toute l'assemblée lui font mal au crâne, elle cesse donc toute connexion avec sa mutation. Ses yeux reprennent une couleur normale et le silence se fait. La mamie à côté d'elle lui lance de drôles de regards, emplies d'une certaine frayeur. Et les membres du compartiment semble bizarrement vouloir se mettre le plus loin possible d'eux.
Et bien, pour quelqu'un qui ne souhaitait pas trop d'interaction avec qui que ce soit, c'est rapé. Comme toujours, comme à chaque fois qu'elle cherche à passer inaperçu. C'est impossible, pour elle c'est impossible.

Elle se rassoit en bout de banquette et fait la moue. Rambo découpe des trucs dans la chemise du pauvre type qui ne geint plus du tout. Étonnant. Tout ça commence à l'ennuyer profondément. Une fois le moment d'action passé, Kimi se lasse de la situation. Le sommeil reprend peu à peu son emprise et lui fait même fermer un œil. Puis l'autre. Elle pose sa tête sur sa main et commence à se laisser partir.

▬ File-moi un coup de main. J'le surveille pour qu'il lui vienne pas l'idée de s'prendre pour Arturo Brachetti pendant que tu l'bâillonnes.

Ah non. Elle n'ouvrent pas les yeux. Elle ne bouge même pas.

▬ Hm.  Nope là j'ai plus envie, c'est con.

Un petit sourire qui s'étale. Bonjour, enchanté, moi c'est Kimiko. C'est une peste, une vile petite peste.

Kimiko, les yeux fermés, écoute d'une oreille attentive tout le discours que débite, sur de lui, Rambo. Elle sourit, trouve ça ridiculement inutile. À quoi sert ce petit discours ? Si ce n'est à se faire mousser auprès des gens autour. Il l'aurait juste assommé, hm, cela aurait amplement suffit. Elle pousse un petit soupir, ouvre un œil. Il est retourné à sa place. L'homme au katana git par terre, inconscient. Kimi le touche du bout du pied, un travail de brute épaisse, de sauvage. Énergie inutilement dépensée, voilà ce qu'elle pense. Elle méprise les gens incapable de faire les choses proprement. Et c'est donc avec un regard méprisant qu'elle se décide à aller poser une question extrêmement subtile à l'autre espèce de comédien...

Debout, le bras croisé, elle le regarde. Penche la tête sur le côté, puis ferme un œil. Elle cherche un signe distinctif qui pourrait l'éclairer sur son identité. Mais non, rien n'indique quoi que ce soit dans son apparence, si ce n'est qu'il se la pète pas mal.

▬ Très sympa ta tirade ! Laisse moi deviner... Tu es acteur de drama !

Un sourire éclatant s'étire sur les lèvres de Kimi, rendant son visage merveilleusement déplacé par rapport à son ton. D'un geste tranquille, elle remet son t-shirt en place, lisse les plis et attend. Une réaction. Histoire de voir à quoi elle a affaire.
Heureusement que ce voyage était sensé être tranquille. Mais au moins, elle s'est trouvé une distraction.

Ce regard blasé, cet air de gros méchant pas beau. Kimi rigole intérieurement. Serait-ce un de ces merveilleux représentant de la gente masculine qui crache par terre et qui pisse sans relever la cuvette ? Un de ces gros cons aussi subtile qu'un coup de batte dans la tronche ? Il semblerait. Parfait. Parfaite petite victime . Kimi pense divertissement, alors que lui doit juste penser « sale poufiasse ».

▬ Et si c'est le cas, c'est quoi le bail ? Tu me tiens la jambe jusqu'à la gare ? - comme c'est mignon, il ricane - Non merci. Efficace ton truc. Tu veux pas aller paralyser quelqu'un d'autre pour lui poser des questions venues de nulle part ?

Paralyser. Il a bien dit paralyser ? Kimi le regarde. Non, vraiment aucune subtilité dans tout ça. Mais soit, elle n'a que lui sous la main, elle va faire avec.
Sans aucune gêne apparente, elle finit par s'asseoir tranquillement à côté de lui. Elle n'éprouve absolument rien à part un profond ennui. Et quand Kimi s'ennuie, elle se doit de le combler. Sinon elle se met à tergiverser, et après... Mieux vaut ne pas y penser.
Tout doucement, elle pose sa main sur la cuisse de son voisin et remonte sa main.Tout doucement.

▬ En fait, ce n'est pas vraiment de la paralysie. J'ai retiré le sang qui se trouvait dans ses jambes, juste assez pour qu'il tombe mais qu'il ne les perde pas. Il paraît que c'est extrêmement douloureux comme sensation. - elle plante ses yeux dans ceux de l'inconnu – vraiment. Très. Douloureux.

Sa main remonte encore peu, un petit éclat étrange passe dans ses yeux. Yeux qui finisse par s'emplir entièrement de sang, sa pupille devenant rouge écarlate au milieu du bordeaux de son œil. Elle agrippe sa main à la cuisse de l'homme, comme si elle allait refaire exactement la même chose qu'il y a quelques minutes, et  …

▬ BOUH !

Un éclat de rire. Sale petite peste.