musique – Le monde semble te tomber sur la tête. Il n'y a pas si longtemps, en plus de la pression qu'exerce Némésis sur tes épaules et tes convictions, te voilà à devoir accepter un nouvel arrivant dans ton havre de paix, ton chez toi. Tu as longtemps supposé que ce comportement était normal pour un frère de détester le petit ami de sa sœur, mais c'était bien plus profond, c'était une haine viscérale. Bien plus qu'un homme qui a causé du tort à un membre de ta famille, c'était une taupe qui s'implantait dans votre quotidien que vous veniez tout juste de fonder, toi et Haku.
Tu jonches entre les rues de Tokyo, hasardeux. Tu connais Tokyo comme ta poche : c'est ton terrain de chasse. Ce soir, on diffusait les nouvelles émissions d'Asgard. Ce soir, on regardera encore les gens s’entre-tuer, ce soir, les participants te maudiront pour avoir scellés leurs chevilles et leurs poignets en les portant jusqu'au studio. Jusqu'au terminus pour eux, très probablement. Tu clignes des yeux et te voilà au milieu du White Zone, célèbre bar de la capitale depuis bientôt plus de deux ans. Tu passais souvent devant, il y a quelques années, lorsque tu n'était qu'un collégien. Tu tenais ton sac fermement contre ton poitrail et tu pouvais entendre la musique, sentir l'odeur du tabac et de l'alcool émaner de la bâtisse encore pauvre à l'époque. Ca t'effrayait l'alcool, les habitués. Et pourtant, aujourd'hui, contre toute attente, tu vas presque prendre ton courage à deux mains.
Tu réajustes tes cheveux bruns, cachant les traits de ton visage encore un peu enfantin tandis que tu t'approches d'un comptoir. Près de celui-ci, un autre garçon. Presque ton âge, peut-être un peu plus vieux pour qu'il ait légalement le droit d'être ici et de consommer de l'alcool. Il a les yeux verts et tristes.
« Hey. Tu l'accostes, sans trop d'hésitation. Je. Euhm. Est-ce que tu pourrais commander de l'alcool pour moi ? »
Sans vraiment patienter, tu lui tends les quelques yens qui reposaient dans le creux de ta main. Tu t'apprêtes encore à braver les interdits mais, qu'importe, t'as déjà fait bien pire, et quelque part, tu préfères avoir de la liqueur dans la gorge que du sang. Encore, du sang.
POINTS : 149 CITATION : Il s'avança vers les tourteaux et posa une feuille ainsi qu'un stylo sur la table face au canapé. MESSAGES : 902 JUKEBOX : everybody hurts (ça me fait rire je laisse) FEAT : eren jaeger CRÉDIT : matt DATE D'INSCRIPTION : 15/10/2013
••• it's like tolstoy said. happinness is an allegory, unhappinness a story.
Y'a des soirs, comme ça. A l'heure où les jolies familles parfaites, les employés modèles & les enfants sages sont tous rentrés chez eux, c'est une Tokyo différente qui s'éveille. La capitale des perdus, des perdants, des parias ; toutes ces âmes brisées qui s'traînent sur les boulevards jusqu'à s'échouer quelque part où plus personne prendra seulement la peine d'les regarder. Y'a des soirs, ouais. Des soirs plus sombres que les autres - pas une étoile dans l'ciel, rien qu'des avions énormes et sales qu'les mômes confondent avec les comètes, rien qu'des vœux débiles qui s'désintègrent en traversant la couche d'ozone. La chaleur d'un foyer n'est pas toujours propice à l'introspection ; parfois l'mieux qu'on peut faire c'est d'noyer son orgueil au fond d'un verre et d's'abandonner à la ville.
Aujourd'hui, c'est un soir comme ça. T'errais dans l'appartement désert comme un chien qui attend l'retour de son maître - t'as pris une douche, une tasse de café, un peu de temps pour réfléchir. Puis t'es sorti. T'as beau savoir qu'c'est pas raisonnable et qu'n'importe qui pourrait t'reconnaître et t'désigner comme le pauvre taré échappé de l’hôpital psychiatrique, tu t'échappes presque toutes les nuits. Les médias ont d'autres chats à fouetter, heureusement ; t'es qu'un nom d'plus entre deux articles sur l'réchauffement climatique et l'nouveau fard à paupières d'une quelconque égérie américaine. Pas d'quoi alerter le peuple - et c'est tant mieux. T'as marché un peu au hasard, ta capuche grise rabattue sur tes cheveux en bataille ; une heure, peut-être deux. T'étais tellement perdu dans tes songes éveillés qu't'as bien failli t'égarer dans l'dédale de petites ruelles qui mène au quartier de vie - et t'es entré dans un bar, avec l'assurance du type qui compte au nombre des habitués. T'as commandé un cocktail, puis un second ; tu pensais à ton père. A ton père et à son regard troublé par l'alcool, à sa démarche pesante, à ses poings serrés. A ton père qu't'as pas revu depuis sa p'tite visite à la clinique et que tu r'verras sûrement jamais. A ton père qui blâmait l'whisky pour ses actes insensés quand au fond, la vérité, c'est qu'il était rien d'autre qu'un pauvre connard.
Tu portes un toast ; à ton père, et à tous ses semblables. Hey. Je. Euh. Est-ce que tu pourrais commander de l'alcool pour moi ? Une voix inconnue t'arrache à tes réflexions, et c'est tout juste si tu ne sursautes pas. Tu pivotes légèrement sur ton tabouret pour observer l'intrus - un gamin. De grands yeux noirs dissimulés tant bien qu'mal derrière une avalanche de mèches assorties. Il a d'ces traits qui n'ont pas tout à fait perdu les rondeurs de l'enfance ; puis une appréhension latente, juste là, au coin de l'iris. Tu lui donnes quinze, seize ans, tout au plus. Un peu trop jeune pour être dehors à une heure pareille - l'espace d'une seconde tu t'demandes où peuvent bien être ses parents, puis tu décides que non, tu t'en fous. T'as déjà largement assez d'soucis sans devoir t'préoccuper des malheurs des autres.
"- Je pourrais. Tu t'empares de sa monnaie sans t'embarrasser de politesses supplémentaires, et tu les fais glisser sur le comptoir. Tu jettes un coup d'oeil au serveur, alerté par le tintement des piécettes. Quelque chose de fort, ce que vous voulez. Tu portes ta propre coupe à tes lèvres, la vides d'une longue gorgée. En double, s'il vous plait. Tu secoues la tête, tes joues légèrement rougies. Tu reprends à voix plus basse, détaillant l'visage de l'inconnu sans vraiment l'voir. Pourquoi t'es tout seul ?"
musique – And if the world don't break I'll be shakin' it 'Cause I'm a young man after all And when the seasons change Will you stand by me ? 'Cause I'm a young man built to fall I missed that train New York city - it rains ! Fly to east L.A. in big jet planes You know you're on my mind All the lights aglow Tokyo - snows Go to watch the show - curtain's closed I'm watching you this time
Y a des gens bourrés de bon sens qui auraient levé la main et qui auraient dit non. Non parce que t'es trop jeune, non parce que t'as encore toute la vie devant toi pour te briser des millions de fois, non parce que tu veux pas être une gêne dans une soirée entre adulte, non pour des centaines et des centaines de raison. Mais ce type, il accepte sans trop se poser des questions. A peine a-t-il récupéré les quelques yens qui pesaient dans la paume de ta main que le verre tombe entre tes doigts. Tu regardes la liqueur avec hésitation et tu cherches comment faire : tu n'as jamais bu d'alcool ni consommer de substances illicites. Le type à ta droite, il semble pas plus vieux habitué que toi à avoir un coup dans l'nez. Il semble même pas fait pour être ici avec ses grands yeux verts qui devaient briller sans doute de mille feux y a encore quelques années avant que Tokyo ne se voile. Tu le regardes du coin de l'oeil, pourquoi t'es tout seul ?
T'as envie d'exploser de rire. T'as jamais entendu une question aussi stupide depuis bien longtemps. Pourquoi t'es tout seul ? Y a des milliers de raisons qui font que t'es tout seul, à vrai dire. Tu pourrais très bien conter des mésaventures avec tes deux parents irresponsables, incapables de retenir ta date d'anniversaire et même ton prénom. Tu pourrais bien raconter combien ta sœur serait prête à te jeter pour se faufiler aux côtés de ton petit ami. Tu pourrais aussi dire que t'as pas d'amis, pas de futur, ni même de présent. Tu pourrais dire que t'es un petit lycéen perdu qui s'est engagé par erreur dans un gang qui ne l'accueillera jamais les bras ouverts parce que c'est décidément pas l'univers dans lequel t'as envie de baigner.
« J'sais pas, ça a l'air étonnant ? J'pense que si ça avait le cas, t'aurais peut-être dû me demander pourquoi t'es pas tout seul ? »
Tu le regardes avec ce même sourire triste que tu dessines lorsque tu parles à tes professeurs, tes rares proches, tes collègues, tes camarades. Ce sourire bourré d'artifices. Tu fais tourner l'alcool dans le verre en bougeant le récipient tout doucement. Ca te fait peur, de boire. T'as peur que ça éveille en toi quelque chose de plus monstrueux, de plus dérangeant.
« Qui n'est pas seul, après tout. »
Tu soupires comme si c'était une fatalité.
« Et toi, alors ? T'as pas l'air d'être ce genre de personne qui essaye tous les bars du coin pour dégoter le meilleur cocktail. »
POINTS : 149 CITATION : Il s'avança vers les tourteaux et posa une feuille ainsi qu'un stylo sur la table face au canapé. MESSAGES : 902 JUKEBOX : everybody hurts (ça me fait rire je laisse) FEAT : eren jaeger CRÉDIT : matt DATE D'INSCRIPTION : 15/10/2013
Y'a des gens bourrés d'bon sens, et y'a des gens bourrés tout court. A l'heure actuelle, tu appartiens de toute évidence à la seconde catégorie ; et toi, Sora, pourquoi t'es tout seul ? Qu'est-ce que tu fous là, à suivre consciencieusement les traces du père à qui t'as jamais su pardonner ? Tu pourrais rentrer à la maison, tu sais. T'installer dans l'vestibule avec une couverture et un chocolat à attendre que ton amant revienne - il t'prendrait dans ses bras et il t'dirait qu'il t'aime, puis tu t'sentirais moins triste, moins vide, moins déchiré. Tu pourrais. Tu pourrais.
Il a l'air triste, ce gosse. Comme si le monde entier s'était écroulé sur lui et qu'il luttait pour respirer malgré les décombres qui l'écrasent ; d'ce désespoir inhérent aux plus malchanceux d'entre nous. C'est comme un tu-ne-sais-quoi de maladroit dans sa façon de s'emparer de son verre, comme une zone d'ombre au centre de l'iris - ça sonne creux, ça sonne faux. Quand t'y penses, c'est sûrement à ça qu'tu ressemblais, avant ; avec ton air d'chien battu & tes lèvres tremblantes, ta tendance exponentielle à buter sur les mots. Ça t'briserait sûrement l'cœur si t'étais encore capable d'éprouver la moindre compassion pour ton prochain - d'la pitié, et une très vague curiosité, c'est tout c'que t'as à lui offrir. Peut-être bien qu't'aurais mieux fait d'écarter sa prière d'un revers de main, d'lui conseiller d'rentrer chez lui avant que ses parents ne s'inquiètent ; mais à quoi bon ? Tu n'as, du bon samaritain modèle, que l'masque de l'échec - anesthésié, échauffé par l'alcool. J'pense que si ça avait le cas, t'aurais peut-être dû me demander pourquoi t'es pas tout seul ? Voilà qu'il joue sur la rhétorique, l'importun - retors d'esprit & revers linguistique, jeu, set, et match. Il te sourit ; d'ces sourires bouleversants qui n'ont rien d'beau ni d'sincère - un rictus hypocrite qui écorche ses traits d'enfant. Qui n'est pas seul, après tout.
Et toi, alors ? T'as pas l'air d'être ce genre de personne qui essaye tous les bars du coin pour dégoter le meilleur cocktail.
Tu éclates d'un rire sans joie, aussi froid qu'la glace dans ton whisky et encore plus éphémère. Tu d'vrais lui dire, à c'pauvre môme, qu'il faut jamais s'fier aux apparences ! La douleur est une hydre ; elle a des milliers de visages. L'espace d'un instant, tu t'demandes de quoi t'as l'air, exactement - t'as l'sentiment que ça fait des années qu't'évites les miroirs, parce que t'as bien trop peur des cernes sous tes yeux et du sang sur tes mains. Le cristal d'apparat tinte contre le comptoir quand tu l'y reposes sans douceur, indifférent au regard désapprobateur du barman ; qu'importe, qu'importe, qu'importe. Ça démange dans ta gorge, brûle jusqu'aux entrailles - traînée d'feu & d'extase, d'soulagement en bouteille. Tu portes la main à ta poche, comme dans l'intention d'attraper ton téléphone portable ; t'as envie d'entendre la voix de Sébastien d'un coup, juste une minute juste pour t'rassurer. Non. Non, tu peux pas, t'as pas le droit. Il va crier, s'il te sait dans cet état. T'aimes pas ça, quand il crie.
"- Tu sais, si t'as pas envie de te déchirer, personne ne t'y oblige. T'as rien à prouver. Tu t'redresses, t'efforces de reprendre un minimum de contenance. Ca te rendra pas plus heureux de vider ton verre. Tu t'interromps, secouant la tête comme pour en chasser les idées parasites. Pas plus que de sourire pour la galerie quand t'as envie d'te tirer une balle. Et moi. Moi. Tes pupilles étrécies par l'euphorie prohibée se perdent dans le vague. Peut-être que si. Que je suis ce genre de personne, comme tu dis."