F

atiguée. La nuit a été agitée. Mais tu vas pouvoir bien te réveiller.

« Ouais! J'ai faim. Et je suis en avance pour l'école, alors on peut prendre notre temps. »

Voilà le genre de choses qui te ramènent directement à la réalité. L’école hein ? Tu n’y as tellement pas pensé depuis longtemps. Pour toi, c’est quelque chose de lointain, un souvenir fugace. Finalement vous n’avez pas grand-chose en commun. Si tu ne l’avais pas trainé ici, il serait bien au chaud dans son lit, chez ses parents surement.
Tu le regardes s’assoir, et toi tu croises les bras, en plein conflit intérieur. Tu vas devoir disparaitre après ce petit déjeuner. Mais tu dois avouer, qu’il t’aura bien fait rire. Tu auras au moins gagné ça.

« Ça se voit que c'est moi le plus jeune, j'ai le plus d’énergie le matin, hihi ! Allez, vite vite! J'espère qu'ils ont des roussettes au miel. Je tuerais presque pour en manger. »

Tu hausses un sourcil puis tu éclates de rire. Alors que tu aurais dû être en train de t’énerver. Parce qu’en temps normal tu n’aurais pas apprécié la réflexion. Mais dis donc, tu ne serais pas en train de t’attacher à ce blondinet un peu tête en l’air ?
Mais bien sûr.
Tu reprends ton sérieux et fait passer tes cheveux par-dessus ton épaule pour te donner un peu plus de contenance et tu montres la porte.

« Allez viens, tu vas finir par manquer l’école. »

Dis comme ça, c’est un peu étrange. Car c’est plus une phrase qu’une grande sœur dirait, pas une fille de ton âge, surtout sortant du lit du bonhomme. Est-ce que les études te manquent ? Pas le moins du monde. Et en parlant de frère … Ton visage se ferme en repensant à ton jumeau. Cela fait combien de temps que tu ne l’as pas revu ? Trop longtemps.
Tu ouvres la porte sans rien dire et tu descends les étages, telle une ombre. Attention, madame la dépressive, le retour. Une fois arrivés en bas, tu t’assois et tu fais signe au jeune de choisir ce qu’il veut. Pour toi ce sera simplement un thé bien chaud.
Tu comptes déjeuner dans le silence ?

« … C’est pas trop dur avec ton pouvoir ? Enfin, je veux dire, de vivre normalement, hmm. »

Engager la conversation n’a jamais été ton fort hein ? Non, toi tu préfères les gestes aux simples mots. C’est peut-être pour ça que tu es bonne au lit.

© Pandette.

T

u tournes lentement ta cuiller dans ta tasse, en soufflant sur le liquide brulant.

« De toute façon, même si c'était dur, ça changerait rien. Les mutants sont comme ça, et on y changera jamais rien. Parfois j'écoute, quand Shredd parle avec des gens, et il dit des choses intelligentes, entre deux insultes. Que c'est pas les mutants qui devraient se cacher, parce qu'au final on est plus évolués que les humains. Qu'on devrait tous se regrouper pour je sais plus quoi. »

Bha oui, on est tous obligés de vivre avec. Evite de trop réfléchir Saaya, c’est vraiment pas fait pour toi. Fais comme tu fais d’habitude et tout devrait bien se passer. Au lieu de demander des trucs dont on sait tous la réponse. Mais tu dois bien avouer que ce qu’il dit t’intéresse un peu. Connaître le pouvoir des autres, c’est toujours utile non ?

« Y'a des mauvais moments, aussi. Avoir quelqu'un dans sa tête c'est pas agréable, surtout quand c'est lui. Mais de tout façon, c'est comme ça et pas autrement, et je pense que même si j'en avais l'occasion, je m'en séparerais pas. Enfin, j'y réfléchirais un peu quand même avant. »

Mais là-dessus, tu n’es pas d’accord. Tu échangerais bien ta malédiction contre n’importe quoi. Mais … Il t’a sauvée à plusieurs reprises, tu ne peux pas dire le contraire. Sans lui tu ne serais plus là alors …
Tu repars dans la contemplation de ton thé et tu laisses le silence s’installer un instant. Parce que tu ne sais pas quoi dire, et tu n’aimes pas tellement parler de toi. Surtout quand ça concerne ton pouvoir. Alors quoi ? Tu vas tenir ta réputation et continuer dans la voie de mademoiselle ‘j’en ai rien à foutre des autres’ ? Non, pas avec le blondinet. T’as pas envie de lui montrer ce côté-là de toi. Alors tu soupires et tu viens lui piquer une roussette au miel, un sourire aux lèvres.

« C’est dommage que t’aies cours. On aurait fait autre chose. »

Changement radical de sujet. Parce que plus tu diriges quelque chose, mieux tu te sens. Et tu as besoin de te rassurer en ce moment. Et il faut dire que ce n’est pas compliqué avec Rin. Si tu voulais t’amuser un peu plus, tu pourrais le faire tourner en bourrique avant de le regarder partir.
Oh serais-ce de la tristesse qui est passé dans ton regard là ? Arrête de t’attacher aux gens de passage, ça te brise à chaque fois. Tu te souviens de Taiga ?
Tu prends une gorgée alors que ton visage se ferme de nouveau à cette pensée.
Ah que c’est compliqué.

© Pandette.

C

’est un bon petit moment que tu passes là pas vrai ? Voilà pourquoi tu essayes de faire durer ton thé qui refroidit. Tournant la cuiller comme si elle pouvait y faire quelque chose dans cette histoire. Cela fait combien de temps que tu n’as pas pris de petit déjeuner en bonne compagnie ? Très longtemps. En fait tu n’as pas déjeuné ainsi depuis que ton frère est partit.

« Ouaip. Mais je peux pas rater de cours, déjà que j'ai pas fait de bruits de toute la nuit dans ma chambre, mes parents vont s'inquiéter, sinon. »

Evite de trop réfléchir ou tu vas finir par t’énerver pour une raison que toi seule sait, tu vas gâcher ce que tu as construit et tu vas t’en vouloir. Alors tu te contentes de soupirer.

« Je te laisse mon numéro je crois ? »

Tu finis ta tasse à ton tour, comme si le fait qu’elle soit vide sonne ton départ. Alors tu souris à sa proposition et tu lui dictes le numéro du dernier téléphone que tu as réussi à voler. Comme ces engins ne durent jamais très longtemps avec toi, tu notes le sien dans un coin de ta tête.

« J’t’aime bien. C’est la seule raison pour laquelle je te laisse un moyen de me contacter. Sur ce, travaille bien à l’école alors. »

Tu viens déposer un léger baiser sur sa joue, une expression taquine fixée sur le visage. Et après avoir réglé la note, tu disparais en refermant la porte de l’hôtel derrière toi. Ou est-ce que ça va te mener tout ça ?

© Pandette.