Il y a cette porte, devant toi. Tu ne sais même pas si tu la voix réellement. Tu ne sais même pas ce que tu fais ici, d'ailleurs. C'est un peu comme un blackout dans ta mémoire.
Pourtant, tu lèves la main, pour venir appuyer sur la sonnette. Tu n'as pas conscience de qui va bien pouvoir venir t'ouvrir. Mais Ulan, lui, le sait. Tu ne sais pas pourquoi, ni comment, mais il t'a poussé à revenir ici. Là où Elle t'avait emmenée, après t'avoir infligée une violente raclée. Raclée dont tu as gardé quelques petites traces, sur ton corps. Tout ça pour un vulgaire instinct de domination de la part de ton dragon, qui t'avait arraché le contrôle pour s'attaquer à elle, Tara. Mais le tout ne restait pas une si mauvaise expérience, car elle t'avait permis de trouver quelqu'un susceptible de comprendre un peu ce qu'il se passait en toi, et autour de toi à cause de l'esprit du dragon qui t'accompagne. Et puis, après une bonne séance de violence, elle avait eu la douceur de te soigner un peu. Tara.
Ouvre cette porte. Qu'il me rende mon esprit.
Ulan et toi n'avez pas de relation conflictuelle, bien au contraire. Mais il a sa propre conscience de dragon, et toi la tienne, humaine. Et lutter contre les instincts sauvages d'une telle créature, même trépassée, est encore bien trop difficile pour toi. C'est pourquoi, quand la porte s'ouvrit finalement sur la jeune femme, tu lui adresses un regard désolé avant de sentir ton énergie s'évanouir légèrement. Pour cause : Ulan était apparut derrière toi, et il n'avait pas pris le temps des politesses avant d'attaquer directement Tara. Un coup brutal, sortit de nulle part, avec la force d'un animal légendaire.
Tu rattrape quelques bribes de ton propre esprit alors que tes mains enserrent ton crâne. Tu ne peux rien faire, car tous tes appels au calme ne sont pas entendus par ton partenaire infernal. Partenaire qui se sert avec aisance dans ton énergie pour sa petite vengeance de mâle dominant. Maudit dragon.
-Tara, je suis désolée...
Toi oui, mais lui non, et c'est pourquoi il n'en reste pas là, repassant aussitôt à l'attaque sans ton consentement. Tu dois réussir à le retenir, car il ne te reste que 3 options pour que cela ne s'arrête. 1 - Attendre qu'il t'ai vidée de ton énergie et qu'il ne puisse de ce fait plus en profiter. 2 - Attendre qu'il mette Tara sur la touche pour assurer sa domination. 3 - Attendre que Tara te frappe directement pour te mettre hors jeu et priver ton dragon de sa force.
Dans tous les cas, rien de bien intéressant. Rien d'attrayant.
C'est frustrant de se voir refuser l'obéissance par un être qui se sert de ton énergie pour "exister". Encore plus lorsqu'il décide de faire quelque chose que tu n'approuves absolument pas. Tu t'accroupis, au plus près du sol. Elle est loin la meuf classe qui maitrise les moindres gestes de sa bête cauchemardesque. Aujourd'hui, ce n'est pas toi aux commandes. Tu te tiens la tête, comme par peur que ton propre esprit ne s'en échappe, écrasé par celui d'Ulan. C'est douloureux de se sentir ainsi possédée. Surtout d'aussi près.
-Il ne veut pas me laisser.. Je n'ai pas de contrôle. Pardon Tara, pardon..
On dirait presque une démente. D'une certaine manière, tu en es une dans ces moments là. Une femme dont l'esprit se rapproche plus d'un dragon que d'une humaine. Il en arriverait presque à te faire lever pour attaquer la mutante toi-même.
Regarde, il pourrait presque te faire tuer tes propres amis.
Ton poing s’abat sur le visage si captivant d’Haiko.
Non, résiste.
L’impact se répercute le long de ton bras, faisant écho dans ton épaule.
Arrête, putain.
Les coups s’enchainent. Tu es un monstre. Un monstre, Tara.
Non…
Tu as failli la tuer, elle a souffert à cause de toi.
ARRÊTE.
Je me redresse violemment, mes yeux brasillent, arborant une carnation dorée. La couleur du dragon. Ma respiration est erratique alors que mes poings se serrent. Mes ongles s’enfoncent dans la chair de mes paumes. J’observe les multiples contusions recouvrant mes mains. Ma mâchoire se raidit alors que je me rappelle du visage d’Haiko ployant sous ma colère. Ces blessures qui s’étendaient sur ma peau venaient de ma propre violence alors, qu’inlassablement, j’avais frappé la jeune femme.
Mon cœur se serre. Je tente de chasser les réminiscences du visage d’Haiko cédant à ma propre brutalité. La culpabilité m’envahit et je peine à respirer. Tout ça parce que le dragon qui possédait Haiko s’était fait dominant et mes instincts d’hydre avait pris le dessus, voulant montrer ma propre supériorité. Et même si c’était contre Ulan que je m’étais battu, Haiko était celle qui avait du en souffrir. Une fois le dragon repoussé en la jeune femme, j’avais croisé son regard occupé par une douleur dont j’avais été l’unique cause. Ces yeux emplis de souffrance m’avaient écorchée vive. J’avais succombée à la peur que m’instillait ma propre mutation. Plus le temps passait et plus mes instincts et pulsions se rapprochaient de ceux du dragon.
La sonnette retentit, m’extirpant de ma léthargie lugubre dans laquelle je me haïssais pour mes propres gestes. Lentement, je me levais et ouvrais la porte sur ce visage captivant que j’avais si aisément éraflé. Et pourtant, ce n’était pas Haiko.
Ulan me projeta de sa force surpuissante contre un mur. Je m’y écrasais brutalement, la paroi de ciment craquant contre mon dos sous l’impact. Je grimaçais alors qu’une douleur lancinante s’éprenait de mon corps tout entier.
Au sol, recroquevillée, j’entendis Haiko s’excuser. Ma mâchoire se serra un peu plus. M’étais-je excusée pour avoir couvert son visage d’hématomes ? Avais-je dis pardon pour l’avoir si aisément violentée ?
Tu es un monstre, Tara.
Je relève des yeux dorés vers la jeune possédée. Mon dragon veut émerger pour se venger de l’affront d’Ulan, cependant, cette fois, je le contrôle. Je demeure l’humaine pitoyable ployée sur le sol.
Haiko s’excusa à nouveau et mon cœur se serra. Elle s’effondra elle aussi au sol, soutenant son esprit possédé au creux de ses mains tremblantes. J’admirais sa force de caractère alors qu’elle parvenait à contrôler une entité aussi puissante qu’Ulan. Moi qui n’étais même pas liée à aucune entité, je n’avais su résister aux instincts instillés en moi, par le dragon alors qu’Haiko parvenait à faire ployer sa propre créature.
Lentement, je me relevais pour m’approcher de la jeune femme et m’accroupir en face d’elle. Mes mains s’apposèrent sur les siennes, entremêlant mes doigts au siens et saisissant ainsi sa tête dont l’esprit se battait sans doute contre Ulan. Avec douceur, j’obligeais Haiko à plonger son regard dans le mien. Je sentais son dragon me foudroyer avec toute la haine dont il était capable. Une fois encore, mes instincts de dragon voulurent m’envahir afin que j’exerce ma dominance, mais je me contrôlais.
« Haiko. » Son nom, prononcé avec douceur infinie, s’épancha de mes lèvres. « Reviens. Je ne me battrais pas. Alors reviens. Tu as toujours été la plus forte. C’est pour cela qu’Ulan t’accepte et s’est si aisément lié à toi. »
Mon front vient s’apposer avec douceur sur le sien. Je me refusais à ce que les dragons soient la seule chose qui nous unisse elle et moi. Nous n’étions pas seulement le résultat d’une mutation qui nous avait liées à une chimère. Non, nous étions Haiko et Tara, deux humaines, avec deux histoires bien différentes et à part entière.
« Reviens, qu’on puisse se boire un verre et panser nos blessures de guerre. Je n’ai plus envie de me battre et je me fiche bien de ce qu’Ulan puisse me faire. Alors tu as le choix, envoyer paitre le vieux reptile en toi et revenir pour qu’on puisse parler voiturez toutes les deux, ou me démonter la face sans que je ne rétorque jusqu’à ce qu’Ulan soit satisfait. » Murmurais-je, mon visage toujours aussi proche du sien.
Mes mains encore posées sur les siennes, je laissais mes pouces se promener lentement sur ceux de la jeune femme. Mes gestes doux contrastaient terriblement avec notre première rencontre qui avait été bien plus brutale. Mais la première fois, c’étaient deux dragons qui avaient fait connaissance. Maintenant, c’était aux humaines de se rencontrer.
Voir ce corps quitter un instant le sol pour aller s'écraser contre le mur est une image horrible. Et c'est toi qui a fait ça. C'est ta propre faiblesse qui n'a pas réussit à contenir la force titanesque de ton esprit de dragon. Le bruit de l'impact de Tara contre le mur te glace le sang. Tu ne peux que lever un regard doré, limite plus brillant que d'habitude à cause de la colère d'Ulan, mais en même temps tellement impuissant, tellement affligé. Tes lèvres ne cessent de s'agiter en de légers tremblements, murmurant des excuses de démente. On dirait une démente, recroquevillée sur toi-même, te balançant légèrement d'avant en arrière.
Ulan, arrêtes je t'en supplie...
Tu le tiens, à peu près, temporairement. Tu ne sais pas comment tu réussis une telle prouesse, mais tu le tiens, l'empêchant de se ruer à nouveau contre son adversaire, contre ton amie. Et ça ne lui plait pas, ça ne lui plait pas du tout. Il s'oppose à ton esprit, tentant de te plier a sa volonté, martelant l'intérieur de ton crâne, de ton âme. Alors quand Tara se relève et s'approche de toi, il en devient fou. C'est la provocation ultime. Et le fait qu'elle ne prenne pas la peine de se transformer pour répliquer est encore pire. Il se sent ignoré, et ce n'est pas ce qu'il comptait recevoir comme attention. Par contre, pour toi c'est autre chose. Malgré les assauts de ton monstre, les mains de Tara sur les tiennes te rassurent un peu, t'aident à tenir davantage. Tu lèves donc les yeux vers elle, laissant l'or de vos regards se croiser. Elle t'appelle doucement, attirant ton attention vers elle. Étrangement, elle croit en toi, alors que toi, tu es à la limite de tout lâcher. De tout lâcher contre elle.
-Bats-toi... Frappe-moi, empêche-le de prendre le dessus, fais lui comprendre qu'il ne peut pas te vaincre, pour qu'il reste a sa place une bonne fois pour toute...
Tes mains trembles, ton corps également. Tu resserres légèrement l'étreinte de vos doigts alors que des larmes commencent à perler au coin de tes yeux. Il va te rendre folle, te faire perdre la raison. Si ça se trouve, il peut même détruire ton esprit. Ton "invité" en est capable, c'est presque une certitude. Cependant, malgré la fragilité que tu inspires en te balançant comme une déséquilibrée, Tara semble confiante. Elle essaie de te persuader que tu peux mater cet imposant reptile ailé. Elle est prête à subir la violence dont il est capable, simplement pour ne pas te blesser.
-Il te tuera si tu ne répliques pas... Il va te tuer Tara. Il va te tuer, alors que c'est lui qui est mort. Recommence. Frappe-moi, comme la dernière fois. Qu'il arrête. Je veux qu'il arrête.
Il fait un pas. Tu l'as relâché, un quart de seconde, mais il s'en est saisit. Il s'est approché, le cou tendu au maximum. Il est bien visible car il se sert de toi, de ton énergie. Sa gueule armée de crocs aiguisés n'attend qu'une chose : pouvoir se refermer sur Tara qui n'est qu'à quelques mètres à peine de lui. Il veut la détruire, car elle l'a vaincu. Car elle est vivante, elle.
-Tu es mort Ulan, TU ES MORT ! Arrêtes !
C'est une torture. Tu t'agrippes aux mains de la jeune femme. Il est hors de question qu'il lui fasse du mal. Tu ne le veux pas. Elle est là, à tenter de te ramener, à te persuader que c'est toi qui commande. Et malgré toutes les horreurs que tu peux penser en cet instant, sa voix parvient de manière si douce à tes oreilles. Elle ne te frappera pas. Ça se lit dans ses yeux, dans son attitude. Elle sait ce qu'elle risque, car elle a déjà affronté ton dragon. Et pourtant, elle ne te frappera pas. Tu ne peux pas le laisser la mettre en pièce. On parle d'un dragon, pas d'un chat. Il ne se contentera pas de faire le dos rond et de donner des coups de griffes. Et tu ne sais même pas s'il s'arrêterait avant qu'elle ne soit inanimée dans sa gueule de fantôme.
Non. Il ne peut pas faire ça.
Tes mains lâchent peu à peu celles de Tara en tremblant. Tu as l'impression que bouger donne à Ulan davantage de liberté. Tu as l'impression que tes mouvements sont une brèche dans laquelle il peut s'engouffrer pour attaquer. Mais tu luttes, car il ne doit pas bouger. Il n'est plus assez loin pour que Tara ai le temps de se défendre.
Tes mains agrippent le haut de la jeune femme vers laquelle tu te penches. Tu termine dans ses bras, le front posé sur son épaule. Tu as l'impression que l'on est entrain de déchirer ton esprit, ton âme, ton corps. Il y a un lézard géant à l'intérieur de toi qui est entrain de tout défoncer. Ça fait mal. C'est au delà de la douleur physique. Un cri, un hurlement déchirant s'échappe d'entre tes lèvres. Tu serres l'étoffe entre tes doigts, de toutes tes forces.
Et Ulan n'a pas bougé. Lui aussi, il hurle. Parce qu'il est mort. Et ne vit que par toi. Uniquement par toi.
Je m’offrais à Ulan, exhibant ma gorge qu’il aurait pu si aisément déchiqueter, exposant mon existence dont il aurait pu être l’ultime tortionnaire. Je me dénudais de tout volonté de me battre. Ce n’était pas à moi de lutter, mais à Elle. Elle devait dominer son démon. Elle se devait de maîtriser son Dragon.
Son corps vibrait contre le mien alors qu’elle sombrait dans un conflit aussi intense qu’épuisant. Elle se battait, et moi, je provoquais son assaillant de mon existence même. Elle me supplia de mettre fin à son calvaire, de lui retirer ma survie des mains et de dompter moi-même son démon. Et malgré ses supplications déchirantes qui écorchaient mon être, je me refusais à la frapper, à lui soutirer sa propre bataille.
J’avais déjà vaincu Ulan, ce n’était plus à moi de le faire, mais à Haiko. Haiko qui doutait de sa propre force, Haiko qui était dévastée par la peur indicible de me voir sombrer sous les crocs de son dragon. Haiko qui se pensait incapable de dominer Ulan.
Des larmes s’écoulèrent le long de ses joues et ses supplications se firent plus déchirantes encore. Elle avait peur de ce qu’Ulan pouvait me faire, m’avertissant de la funeste nouvelle d’un trépas certain. Et pourtant, je restais de marbre, gardant cette proximité mortelle qui nous liait. Pas un instant, mes iris dorés ne quittèrent son visage tourmenté.
Ses mains agrippèrent avec force mon haut et la poupée inerte que j’étais la laissa faire, me refusant toujours à offrir à Ulan la moindre résistance. J’aurais dû mourir ce soir-là, mon cadavre aurait dû rassasier la haine du Dragon d’Haiko. Cependant, à l’instar du bain de sang qui aurait du appesantir de terreur cette nuit, la jeune femme me sauva la vie, repoussant son démon, me redonnant l’existence que je lui avait si aisément offerte.
Son cri raisonna alors que j’observais Ulan fléchir sous la suprématie d’Haiko. Elle avait gagné.
Un sourire vint lentement étirer les commissures de mes lèvres alors que mes iris regagnaient leur teinte verdoyante. Lentement, je reculais mon front du sien pour l’observer, mes yeux imprégnés de douceur.
« Ce n’était pas à moi de battre Ulan, cette fois, Haiko » murmurais-je avec cette même quiétude. « Merci de m’avoir sauvée la vie. » continuais-je en lui caressant la joue de mon pouce, essuyant un débris de larme qui humidifiait sa peau.
Je me redressais alors, réprimant la grimace de souffrance qui voulait se peindre sur mon visage. Ma collision avec le mur avait été si violente qu’une douleur lancinante ébranlait maintenant mon être tout entier. Je saisissais la main d’Haiko pour l’aider à se redresser, la maintenant contre moi alors que je la sentais trembler.
Comme les miens, ses iris n’étaient plus dorés et son visage n’arborait plus le tourment causé par son conflit interne avec Ulan. Cette proximité entre nos corps me secoua sans que je ne parvienne à comprendre complètement pourquoi. J’avais l’impression que nous venions de passer un instant si intime qu’il ne pouvait être partagé avec quiconque. Après tout, sans vraiment la connaître, je lui avais offert ma vie sans garanties qu’elle ne puisse la préserver. En refusant de me battre contre Ulan, j’avais imposé entre ses mains jusqu’à mon existence même.
Je résistais l’envie de diminuer encore plus cette proximité entre nos deux dépouilles tremblantes, me persuadant que ce désir n’était qu’une des conséquences du péril dans lequel je m’étais trouvée.
M’obligeant à reculer, je me détournais d’Haiko, lui dissimulant la souffrance qui me ravageait à chaque mouvement. Dans la cuisine d’Aoguro, je fus bien heureuse de trouver des bouteilles d’alcool pour remédier à mon mal. Je revenais auprès de la jeune femme pour m’installer avec réticence sur un canapé, veillant à dissimuler le tourment qui habitait la moindre action.
« Je suis désolée. Si je n’avais pas défié Ulan lors de notre dernière rencontre, rien de cela ne serait arrivé. » murmurais-je d’une voix coupable tout en emplissant les verres d’un alcool qui, je l’espérais, nous ferait oublier les deux reptiles volant qui nous avaient pourtant liées.
Relevant mon visage vers le sien, je souriais tristement. « Je comprendrais si tu ne voulais plus me voir après tout ce que tu as du vivre par ma faute. J’ai l’impression d’avoir foutu un joyeux bordel entre toi et Ulan. Et depuis notre rencontre, je n’arrive pas à me pardonner pour ce que je t’ai fait. » Avouais-je d’un timbre rongé par la culpabilité.
Je ne voulais pas qu’elle s’en aille. Haiko était la seule personne à vraiment comprendre ce que c’était que de vivre sous l’influence constante d’une chimère dominante et violente. Elle savait ce que c’était de voir nos moindres actes soumis à la surveillance d’une bête sauvage qui n’agissait que par l’instinct, sans le moindre remord.
Il a cédé. La pression de son esprit sur le tien s'est amoindrie. Pourquoi a-t-il si soudainement cessé de lutter contre toi ? Impossible que tu l'aies eu de force, car il te surpasse en puissance. Non, il est évident qu'il s'est rendu pour une autre raison. Peut-être y a-t-il eu une brèche dans sa colère, suffisamment grande pour y laisser entrer TA volonté. Ou peut-être a-t-il simplement ressentit ta détresse, ta peur, ta douleur. Ulan n'est pas un monstre qui ne cherche qu'à te nuire. Il te protège, te tient compagnie. Même s'il est vrai que dernièrement, tu ne comprends pas l'ampleur que prenne tes/ses colères, ni même pourquoi il a fait preuve de tant de violence en rencontrant Tara. Peut-être qu'avec une si longue période sans fréquenter ses semblables, Ulan en a perdu le goût ?
Tu réalises peu à peu ce qu'il se passe. La tempête qui faisait rage dans ton esprit se calme progressivement, laissant comme un gros vide en toi. Un calme, limite dérangeant. Lorsque Tara se recule légèrement pour te regarder, tu lèves les yeux. Leur couleur est toujours la même -tu ne te rappelles même plus de leur couleur avant ta mutation- mais ils ne brillent plus. Ulan est toujours là, derrière toi. Il le sera toujours. Mais c'est en esprit plus calme qu'il se tient derrière toi.
Toi aussi, tu perds la tête mon cher Ulan ?
La voix de Tara s'élève alors pour te remercier, te féliciter. Seulement, tu ne te sens pas responsable de quoi que ce soit. A part lutter contre ta propre folie et souffrir de la pression de ton compagnon, tu n'as rien fais. C'est lui qui a décider de tout stopper. Pas toi. Pourquoi ?
-Ce n'est pas moi qui t'ai sauvé la vie... C'est lui qui a décidé de te la laisser.
Tu saisis cette main tendue vers toi pour te relever péniblement en soupirant légèrement. Tu vas même jusqu'à te demander si passer sous un rouleau-compresseur ne serait pas moins douloureux que ce que tu viens de vivre. Tara te tiens toujours contre elle. Probablement parce qu'elle sent encore les muscles de ton corps trembler nerveusement. C'est compliqué de remettre de l'ordre en soi après une telle épreuve. Quand finalement tu arrives à te tenir à peu près droite, tu la suis, ne pouvant t'empêcher de jeter un regard vers la marque qu'à laissé le dos de ton amie contre le mur. Elle aussi regrette peut-être le rouleau-compresseur...
Tu te déplaces lentement, comme emprise d'une flemme immense. Et lorsque tu atteins le canapé, ce sont les portes du paradis qui s'ouvrent devant toi. Tu te laisse tomber sur le fauteuil et pose ton regard éteint sur la jeune femme.
-Ne te sens pas responsable de ses actes. Les choses avaient déjà commencé à devenir compliqué avant que je ne te rencontre.
Tu t'exprime assez brièvement. Le choc est encore là, et tes pensées se bousculent toujours dans ta tête. A vrai dire, tu aimerais comprendre ce qu'il se passe, comprendre pourquoi le mur qui sépare ton esprit de celui de ton dragon est devenu aussi fin et fragile dernièrement.
-J'ai l'impression que la frontière entre nos deux esprits se réduit de plus en plus...
Tu croises les jambes et pose ton regard doré sur Tara. Comme si tu avais réellement l'intention de partir maintenant. "Coucou, je viens pour que mon dragon te casse la gueule et je repars !". Non, vraiment moyen. Tu lui adresses finalement un vague sourire.
-Je ne comptais pas partir aussi vite.
Tu te saisis du verre d'alcool et le porte a tes lèvres, fermant un instant les yeux. Un petit remontant, quelle bonne idée.
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