Tu repars, encore perdu dans une colère incontrôlable. Pourtant elle se calme s’estompe à mesure que tu marches en direction de la sortie. Inspires, expires. Comme ça. Tes membres se détendent un peu, tu serais incapable de dire ce que tu viens de faire ni ce que tu as dit, t’étais comme possédé.
Par un démon qu’on appelle déception.

Tu la rouais de coup il a rien dit, il a rien fait pour t’arrêter. Rien. Ça te surprendrait presque. Venant de lui. Ah mais c’est vrai, ce type tu ne le connais pas, tout bien réfléchi. Ça te brise le cœur mais c’est comme ça. C’est dingue l’effet de huit ans sur une personne, tu n’imaginais pas.

« Tu. T'as pas le droit... »

T’entends sa voix, te sortant de ton espèce de torpeur. Tu t’arrêtes. Sans rien dire. Toi non plus t’avais pas le droit de me mentir, mais tu l’as fait.
Tu ne t’attendais pas à ce qu’il se jette sur toi, brusquement, te faisant perdre l’équilibre et tomber à la renverse alors que tu te retournais tout juste. Il te rend tes coups, te frappe comme tu l’as fait quelques minutes plutôt. Il hurle et tu ne comprends pas. Tu comprends pas pourquoi t’as pas le droit. T’as pas le droit de lui en vouloir de t’avoir menti, d’avoir remis comme ça en doute tout ce sur quoi votre relation est basée ? Non, évidemment.
Tu fermes les yeux tu peux qu’encaisser tu ne peux pas te défendre, t’es coincé, il est encore en train de te faire mal, concrètement avec ses poings. Non en fait, ça fait moins mal, moins mal que de découvrir qu’il n’a fait que mentir.

« Tu vois Mizuki, tu peux me dire ce que tu veux, que je suis un putain de connard égoïste, le pire des salaud du monde, mais eux... Eux. Je t'interdis de parler d'eux comme ça, JE TE L'INTERDIS APRÈS TOUT CE QU'ILS ONT FAIT POUR TOI. Il marque une pause, te laisse le temps de souffler avant de reprendre.  Je suis peut être un monstre, le pire de tous, tu me crois vraiment capable de faire ça ? De le tuer ? »

Le tuer… Tes mots te reviennent. C’est vrai tu l’as accusé de ça. Et là, maintenant que t’es calmé tu ne sais pas vraiment. T’en sais rien. Il était pourtant à deux doigts de la crever, la fille dans l’arène. Il est pourtant entrain de te ruer de coups. Ca le met en tort, et pourtant. T’en sais rien. Tu ne connais pas ce type qui te frappe.
Tu sens quelque chose d’humide sur ta joue, puis une autre. Il te crache dessus lui aussi ? Non. Non ce n’est pas ça. Quand tu rouvres les yeux tu le trouves entrain de chialer.

« Si je t'ai caché ça, c'était pour te garder, pour pas te dégoûter. Pour pas que Emiko sache d'une autre bouche que la mienne que si je la récupère, ça serait avec de l'argent sale. »

Pour pas me dégoûter ? Putain, c’est l’effet inverse là. Là je suis dégoûte, là j’ai envie de pleurer d’hurler. Putain. Putain.
Tu sens que ça monte aussi, t’as les yeux qui piquent.
Finalement il recule, s’écarte de toi alors que t’es encore par terre, perdu.

« Désolé, j'aurai pas dû faire comme ça mais... Putain, ma mère, Hitori... Mec... »

Tu conçois que tu étais allé trop loin… En disant certaines choses…  Et il repart, sans rien ajouter.
T’es plus en colère, t’as plus envie de frapper qui que ce soit. T’es juste déçu mais tu sais plus de qui. De lui ou de toi-même parce que tu t’es laissé emporter, que t’as dit des choses que tu ne pensais pas au lieu de chercher à comprendre. Tu t’en veux, c’est horrible comme tu t’en veux. Tellement que tu te mets à chialer pitoyablement dans ton coin en te redressant pour t’asseoir, essuyant d’un revers de manche le sang de ton nez.
Tu t’oses même à l’appeler, dans le moindre espoir qu’il se retourne.

« Kyo… »

Tu gémis douloureusement en essuyant tes larmes, frottant tes yeux rougis avec tes poings comme un enfant.
T’attends pas de réaction de sa part, tu veux juste qu’il sache que tu t’en veux.

« Reviens… Je suis désolé je… »

Tu t’étrangles dans tes sanglots et t’abandonnes l’idée de te ridiculiser davantage. C’est foutu, fini.
Mais tu ne veux pas le perdre une nouvelle fois. Tu ne veux pas perdre ton ami une nouvelle fois après avoir attendu huit ans pour le revoir.

Il revient, il revient, et même toi t’as du mal à le croire alors qu’il est là. Contre toi. Tu sens ses bras passés autour de toi, alors qu’il t’étreint doucement. Il a beau être si près tu as du mal à vouloir croire qu’il est là. Ça te semble irréel alors que tu le pensais parti pour de bon. Rien que cette simple pensée te fait sangloter davantage alors que tu viens agripper son haut, comme un chaton apeuré qui craindrait qu’on l’abandonne au milieu de tous ses inconnus.
D’ailleurs tu t’en moques, des gens autour.

« Je suis désolé, j'aurai pas dû, je suis désolé. Mizuki... Pardon, je te mentirai plus, je te dirai tout. Promis. Je. Désolé... »

Je te mentirai plus… Ça veut dire que tu vas rester là, alors. Promets-moi que tu vas rester aussi.
Mais tu dis rien, tu le penses juste très fort alors que t’essaye de te calmer. Tu te sens mieux déjà, soulagé. Tu fermes les yeux en restant contre lui, tu t’en fous de ce que peuvent penser les gens, tu veux juste qu’il comprenne que tu veux qu’il reste. Avec toi.
Finalement tu retrouves le contrôle de tes émotions, les larmes ont cessé de dévaler tes joues humides alors qu’il recule un peu la tête pour constater l’étendue des dégâts. Tu essuies tes yeux d’un revers de manche en le laissant faire. Tu saignes juste du nez, et t’as un beau coquard aussi.

« Je. Ça va ? Je t'ai pas trop mal ? »

T’as déjà vu pire, va. Tu t’en remettras.

« Tu ferais mieux de t’inquiéter pour toi, abruti. »

Tu réponds en venant taper au sommet de son crâne, histoire de lui rappeler que c’est lui qui est mal en point. Sérieusement il s’est vu cet imbécile ? C’est pour lui qu’on devrait se faire du souci. Mais toi tu t’en fais pas plus que ça, tu sais qu’il est tenace celui-là, s’il a la force de s’inquiéter pour toi c’est qu’il est en forme.