Le temps était mauvais en ce moment. C'était peut-être pour ça que Shinji dormait beaucoup depuis quelques jours, ou peut-être pour autre chose, qui sait. Il faisait des cauchemars. Toujours les mêmes images qui revenaient, le dévoraient de l'intérieur. Il y avait des choses qu'il ne parvenait pas à oublier, malgré les années et le temps qu'il consacrait au travail pour ne pas y penser. Il se réveillait toujours avec une désagréable sensation, des frissons d'horreur. Encore à moitié somnolent dans le fauteuil de son bureau, le regard rivé vers la fenêtre, il essayait de faire le vide dans son esprit, de ne plus penser à rien.

Et puis, un bruit. Une voix, en fait. La voix d'une jeune fille, une voix sans ton, sans enthousiasme, sans vie. Il se leva, se posta devant la fenêtre, et observa la gamine qui se promenait dans son jardin en courant après le chat. Son chat à lui, en l'occurrence. Il l'observait, tout en allumant un cigare qu'il porta à ses lèvres. Elle semblait s'extasier devant le jardin, souriant comme une idiote. Certes, ce n'était pas donné à tout le monde d'avoir un jardin à soi au Japon, surtout dans une ville comme Tokyo. Il s'éloigna de la fenêtre et sortit du bureau, se dirigeant vers la sortie de sa maison pour l'accueillir comme il se doit. Il n'aimait pas beaucoup qu'on rentre chez lui sans autorisation.

Une fois à l'extérieur, il reconnut le cyborg de Motors District, Emerald. Il resta prostré une bonne minute, se demandant ce qu'elle était en train de foutre là. Soit c'était du pur hasard - mais c'était un cyborg, donc il en doutait, soit Motors District n'avait vraiment aucun scrupule et croyait pouvoir envoyer un robot ressemblant à une gamine inoffensive chez lui pour le faire chier. Mordant dans son cigare, il s'approcha du cyborg qui était dos à lui et attrapa fermement sa chevelure qu'il tira vers l'arrière sans retenue. C'était une machine, à quoi bon y aller avec des pincettes ?

– Qu'est-ce que c'est, encore ? De l'espionnage industriel ? Ils manquent un peu de subtilité, tes patrons.

Malgré ses gestes fermes et son regard assassin, il demeurait calme et ne laissait paraître aucune animosité dans ses propos. En fait, il aurait pu simplement se contenter de dire à sa bonne de la foutre dehors, mais il était tout de même curieux. Ce n'est pas tous les jours qu'un cyborg se pointe dans son jardin. Il pencha légèrement la tête, sourire aux lèvres, tenant son cigare allumé entre deux doigts, avant de reprendre :

– Qu'est-ce qu'ils en penseront si je t'envoie à la casse dès demain, tas de ferraille ?