C’était ridicule, dans tellement de sens que ça en devenait d’autant plus ridicule. Stupide, même. Tu n’étais pas homme à aimer faire la guerre. Tu étais plutôt du genre à te complaire dans des situations stables, dans la monotonie du quotidien. Tu étais même d’autant plus enclin à négocier qu’à te battre. Alors pourquoi vous vous faisiez la guerre comme ça ? Bonne question. Curiosité dont tu ne possèdes pas la réponse. Mais tu supposes que c’est l’effet de deux caractères de merde mis en opposition. Deux forces en contradiction qui n’ont fait qu’être présentes, l’une comme l’autre. C’est ce seul crime qui a mis le feu aux poudres. Enfin ce n’est que ton avis. Et il pourrait être réfuté par milles bonnes raisons de le remettre en question. Mais tu ne le feras pas, pas envie, pas le besoin. Les tensions se sont apaisées alors à quoi bon, maintenant que vous aviez tous les deux compris que c’était un affrontement vain, inutile, indésirable en fin de compte.
Alors tu ris avec elle, d’un rire discret, étouffé. C’est drôle de se dire que les choses auraient pu se passer différemment si vous n’aviez pas été si cons. Deux beaux abrutis. Ça t’amuse et ça te désespère de toi-même.
« On est bien con. »
Et le plus con dans l’histoire, c’est qu’il a fallu un pas grand-chose pour que les choses tournent dans un meilleur sens. Qu’elle t’aide et que t’ais l’idée de lui amener sa boite de sushis. Il suffisait de faire un pas, dans un sens comme dans un autre.
« Tu sais quoi ? Ni toi ni moi n'avons de raisons. C'était même pas drôle, j'avais juste envie de t'arracher la gueule. L’expression t’arrache un bref sourire, sans doute parce que tu avais la même envie. Quand elle se mettait à te narguer par exemple, tu voulais juste lui arracher la gueule, comme elle le dit si bien. C’est ridicule pas vrai ? »
Tu ne peux qu’approuver.
« Complètement ridicule. »
Un soupir s’échappe de tes lèvres, t’échappes un nouveau gloussement tout juste retenu.
« Mais j’étais pareil alors je ne pense pas pouvoir te juger là-dessus. Tu marques un silence. Ni même te juger du tout, après tout je te connais pas. »
Tu n’es pas encore à la considérer comme une amie, mais tu envisages. Peut-être. Peut-être pas. C’est un peu tôt, alors que vous enteriez tout juste la hache de guerre. Tu ne sais même pas si ce serait une bonne idée en fin de compte. Tu ne la connais pas tant que ça après tout. Mais ce n’est pas comme si ça ne pouvait pas changer, un jour.