Douce matinée quand tu nous tiens. L'astre solaire pointait à peine le bout de son nez que Mephisto était déjà aux aguets -douché et habillé- prêt pour une nouvelle journée. Et pas n'importe quelle journée ... une journée de congé ! Pas d'émission à faire aujourd'hui ... tout du moins pas avant onze heures du soir. De quoi consacrer une journée à ses propres occupations. Une petite tasse de thé à l'amertume très prononcée et c'était partit pour entamer une journée d'automne, une veste d'un cuir fin sur les épaules. La première bourrasque de vent qui le percuta à la sortie de son appartement, lui fit esquisser un léger sourire.

Rares étaient les fois où il était aisé de circuler sur les allées principales dans le quartier Toshima. Nul besoin de se camoufler ou de marcher vite, les lieux qui en général étaient bondés n'étaient fournis que d'une dizaine de personnes. C'était vraiment agréable de se promener. Enfin, se promener ... il ne se promenait pas vraiment. S'il s'était levé si tôt aujourd'hui, c'était pour récupérer cette chère Masae. Ce petit bout de femme restait constamment cloîtrée chez elle et ne sortait que dans de rares occasion ou lorsque ses talents étaient quémandés. D'ailleurs, elle avait été nettement sollicitée la veille, en repoussant l'accès à un hacheur qui tentait d'infiltrer Asgard.tv ... peine perdue. Impossible d'infiltrer Asgard. Impossible de lui faire face.

Bien qu'il s'agissait surtout de la sortir un peu et voir du monde -quitte à se montrer saoul- qu'il s'en allait la chercher, c'était également pour traquer ce petit futé de la veille. Il avait déjà de nombreuses idées en tête ... la dernière fois il lui avait fait goûter un cocktail au maïs violet avec un mélange hasardeux de fruits et d'après sa bouille, elle semblait l'avoir apprécié. Cette fois-ci, il comptait lui faire goûter celui au rhum blanc dont il avait hésité à commander la dernière fois. Plongé dans ses pensées, il en oublia même de tourner à droit au coin d'une rue et continua tout droit jusqu'à ce qu'il s'aperçoive de son erreur.

Au bout d'une bonne vingtaine de minutes de marches, il fut enfin à l'endroit désiré. L'immeuble en brique brunâtres aux semblants accueillant fut rapidement franchi et après avoir escaladé un petit escalier sur la droite, trois coups de sa main furent donnés sur une porte d'un gris désolant. « Masaaaaa ... ? » Dit-il d'un ton ironique.

Son bureau en désordre et ses ordinateurs allumés, elle avait encore bossée toute la nuit, fidèle à elle-même. À en croire par sa tenue improvisée avec ses serviettes, elle ne semblait pas encore avoir oubliée l'essentiel, ce n'était pas encore une cause perdue. Son bureau en désordre et ses ordinateurs allumés dont la chaleur envahissait toute la pièce, montraient qu'encore une fois, elle avait passée sa nuit à bosser. Lui, il lui était insupportable de passer plus de deux heures devant cet écran à frapper du clavier sans s'arrêter alors qu'elle pouvait le faire toute une nuit. Même si dans un sens il trouvait qu'elle passait à côté de beaucoup de choses, il respectait son talent. Et puis, il était justement là pour lui faire découvrir toutes ces choses qu'elle laissait de côté.

« Prend ton temps surtout ... » Lui dit-il lorsqu'elle passa dans la pièce à côté. Il n'était pas pressé. Posant sa veste légère à l'écart sur le porte-manteau, il retroussa les manches de son gilet noirâtre pour profiter de l'absence de Masae et mettre un peu d'ordre dans tout ce foutoir. Coca par-ci, coca par-là. C'était à croire qu'elle ne buvait que ça. Les cadavres de bouteilles dans un sac et autres emballages de glucose les accompagnant, l'aspect avait déjà changé. Il ne se permettait pas de toucher au bureau, il se souvenait encore de la dernière fois qu'il avait rangé celui de Zuko. Ce petit énergumène avait piqué une crise de colère comme si on lui avait volé toute sa quiétude et son confort. Bref, un minimum de rangement fut tout de même opérer, juste à temps avant que la propriétaire des lieux ne fasse irruption dans la pièce.

Elle avait été rapide et avait même pris le temps de se maquiller dans sa hâte. Un léger rictus s'était d'ailleurs dessinée sur les lèvres de Menma. Au fond, il était persuadé qu'elle savait très bien pourquoi il était là autrement, pourquoi se maquiller ? Un "mini-moi" criait intérieurement : victoire. Et lorsqu'elle s'assit pour lui demander ce qu'elle pouvait faire pour sa petite personne, il se contenta simplement d'enfiler son manteau et de le fixer du regard. Masa, tu sais pourquoi je suis là ! Oh oui qu'il voulait crier mais cela aurait brisé tout son charisme.

Lorsqu'elle tomba à genoux pour finir par ramper dans des simagrées propres à son délire, il ne fut pas totalement surpris. Cependant, il eut bien du mal à garder son sérieux en grimaçant longuement avant de "marcher" dans son petit jeu délirant. « C'est parti vieille fille ! » Dit-il en ricanant avant de la soulever du sol et de l'embarquer sur son épaule contre son gré. Attrapant rapidement les clés sur le bureau, il ne perdit pas une minute pour sortir de l'appartement prenant soin d'emporter le manteau de la jeune femme avant toutes choses. Son avant épousant l'intérieur de ses genoux et plaqué contre son torse pour plus de maintient, il n'allait pas la lâcher tout de suite. « Si t'as oubliée quelque chose, c'est trop tard ... Si tu veux te plaindre, c'est trop tard ... » Machinalement, il déambula les escaliers en prenant appui contre le mur jusqu'à ce qu'il arrive à l'extérieur. Les quelques passants -surtout les plus jeunes- trouvaient la scène risible. Prend ça dans les dents !

Dix mètres suffirent à lui faire lâcher prise pour qu'elle puisse marcher seule. « Bon on va boire un verre. Tu as remarquer le ton autoritaire ? Ça veut dire que tu n'as pas le choix. »

Moqueuse et blagueuse. Masae était complètement une autre personne lorsqu'elle sortait de son appartement. Certes elle ne sortait jamais d'elle-même, aspirée par ses fiches recensant des tonnes et des tonnes de codes mais lorsqu'elle était sortie, sa joie était de retour. Son teint pâle prenait quelques couleurs au soleil et rougissait quelque peu sans trop la déranger. C'était ainsi que Mephisto aimait voir ses proches : joyeux. Et cela valait pour tous. Etait-ce un soupçon de manipulation ou de la bonne foi ? Va savoir. Il s'amusait des bêtises de son accompagnatrice et n'hésitait pas à relever le mot lorsqu'il se le devait. « Give every man thy ear. But few thy voice. » Se contenta-t-il de dire en continuant de marcher. Il était certain que la demoiselle avait les bases suffisante en anglais pour traduire sa petite citation. Quant à savoir d'où elle venait et qu'elle la comprenne parfaitement, c'était une autre paire de manche. Au fond, il était certain d'être incompris. C'était cela aussi d'avoir Mephisto dans ses connaissances, ne pas comprendre tout ce qu'il dit.

Le quartier se remplissait peu à peu de touristes et habitants proches tandis que quelques rayons de soleil perçaient le ciel en altérant quelque peu la fraicheur du vent. Les cheveux légèrement en apesanteur, le présentateur adorait cette sensation de légèreté malgré les frissons que l'automne pouvait bien lui donner. L'air pur était vraiment inégalable. « Quel ménage ? Si tu veux parler du peu de rangement que j'ai fais tout à l'heure, j'espère que tu ne vois pas cela comme "faire le ménage" ! » Dit-il d'un ton fort, presque autoritaire avant de se radoucir et de sourire. « Tu me feras ça correctement dès que tu rentres et hors de question de taper quelques lignes de codes avant. »

Il avait oublié d'emporter ses lunettes et la clarté lui gênait au plus haut point. C'était l'une des conséquences de sa mutation. Ses pupilles ayant complètement changées -pour ne pas dire tout son oeil- la lumière l'affectait plus qu'à la normale. Le rituel matinale de chaque boutique lors de leur ouverture était toujours plaisant à voir. Tous ces gens qui installaient leurs petites décorations tandis que d'autres faisaient déjà chauffer les grils de leurs échoppes, c'était ça la vie. Quelque chose de pas trop compliqué à première vue mais qui quémandait un boulot immense. C'était dans ces moments que Menma aimait s'imaginer la vie qu'il aurait eut s'il serait resté en Irlande, loin de toutes ces "guerres civiles".

Lorsqu'il se fit tirer la main par Masae qui l'emmena à l'intérieur d'un bar, cela le sortit définitivement de ses songes. Était-elle si enjouée habituellement ? Il était question de la même gonzesse qui restait constamment cloîtrée chez elle ? Et lorsqu'elle lui ordonna de s'asseoir en face d'elle en reprenant les mêmes paroles qu'il avait lui-même usé, il ne put s'empêcher d'extirper un petit ricanement. Il était amusé. « Tu penses être plus autoritaire que moi ? » A peine eu-t-il le temps de prendre ses aises et de poser sa veste en cuir sur le dossier de chaise que le barman -seul employé du bar- vint les interrompre. « Yoo ! Z'êtes matinal vous ! Allez qu'est-ce que je vous sers ? » Menma ouvrit à peine la bouche sans qu'aucun son n'en sorte que l'homme reprit de plus belle, excité. « Ohh !! Je suis en train de faire du vin chaud avec une petite touche personnelle, un délice j'vous jure ! »

« Mettez deux verres alors ! » Le présentateur avait répliqué assez vite pour éviter que d'autres options lui soient proposées. Et l'action avait satisfait l'homme qui était retourné dans l'arrière boutique. « Tu vois ... je reste l'autorité. Tu bois ce que je décide. » Rétorqua-t-il un léger rictus sur les lèvres. Il ne lui laissait pas trop le choix.

Mephisto n'avait jamais eu de doute sur les capacités de Masae lorsqu'il était question d'informatique. Il savait très bien qu'elle aurait tracée le pirate toute une nuit par simple esprit de compétition. D'ailleurs, ça le chagrinait un peu de la savoir fatiguer et résister contre ça. Les cadavres de sodas qui entouraient son bureau lorsqu'il est arrivé dans son appartement, étaient sans nul doute là depuis peu. Boissons sucrées et caféine pour tenir la nuit, ce n'était pas très conseillé. Quoi qu'il soit, il n'en espérait pas moins sur ce coup. Si en général il l'aurait réprimandée, là il était très heureux qu'elle ait pu le retrouver, car il s'agissait avant tout de son rôle qu'on avait essayé de foutre en l'air. Et ça, il ne pouvait pas le supporter. En terme général, Mephisto était un homme plutôt pacifiste sur les bords et qui n'aimait que très peu la violence en prenant tout d'abord position sur sa langue de serpent mais lorsqu'on s'en prenait à asgard.tv, c'était un autre homme. Le genre d'homme rancunier dont il préférable d'éviter.

« Tu me rends heureux en m'annonçant cela ! » Dit-il en souriant en lui attrapant les mains proches des siennes. Un jeu de séduction ou de manipulation ? Certainement les deux. Quoiqu'il en soit, son sourire était véritable. Avant qu'il ne puisse s'attarder davantage sur le sujet, le serveur et barman revenait à eux, deux coupes en main. « M'direz des nouvelles ! Et B'vez pas trop vite, c'chaud ! » Il repartit aussitôt à l'arrière d'une démarche assurée. Rien qu'en attrapant son verre, Menma en ressentait la chaleur et avait ses papilles excitées. Malgré tout, il ne put s'empêcher d'y goûter en y plongeant doucement ses lèvres. C'était chaud mais supportable. Quant au contenu, il goûtait bien évidemment ce bordeaux délicieux mais avait bien du mal à distinguer ce qui l'accompagnait. Ce petit quelque chose de sucré le tracassait.

« Et c'est loin d'ici ? Autrement nous pourrions y aller après ce verre si tu veux bien m'y accompagner. » Il brûlait d'impatience. Peut-être même un peu trop d'ailleurs. Et cela n'était qu'une petite partie du scénario. Il ne l'avait pas fait sortir uniquement pour uniquement partir à la chasse aux pirates. Après tout, l'automne donnait aux jardins extérieurs du centre-ville, un aspect vraiment magnifique à la plupart des conifères et les cerisiers en faisaient partie. Un environnement calme et reposant. Mephisto aimait bien se ressourcer de temps en temps et oublier tous ses petits soucis l'espace d'un instant. Masae -toujours plongée dans sa solitude et son ordinateur- devait sans doute le comprendre sur ce point.

« Bois lentement surtout, la chaleur est supportable mais c'est fort ! » Dit-il en la regardant fixement d'un petit rictus au coin des lèvres. D'une nouvelle forgée, la moitié de son verre était déjà ingurgité et ses pommettes n'allaient pas tarder à rougir légèrement. Il fallait à tout prix qu'il évite de se frotter le visage pour ne pas ressembler à une tomate.