- Ouais ouais !! Je les ai c'est bon bro, t'inquiètes !! On se rejoins au parc yoyogi ?!
- Déjà ce n'est pas bro, mais Dris. Et évite de crier là-bas comme tu le fais au téléphone.

Je raccroche. Bon visiblement le petit débutant étranger semblait se débrouiller pas mal, mais à l'entendre, on aurait dit qu'il avait parcouru tout le Japon à pied tellement il était essoufflé. Bien que son style de langage me déplaît fortement - ce genre de manière je l'entendais toujours dans le quartier en Amérique là où je vivais étant petit - mais bon, je lui donnais une chance et ce n'était pas ce genre de type avec un égo surdimensionné, nous n'avons pas besoin de pseudo terminator à gros bras. J'ai vraiment parfois l'impression de rééduquer certaines personnes. Ce n'est pas parce qu'on est un gang, qu'on se parle comme de la merde. Enfin peut-être que dans les autres oui. Je range tranquillement l'argent volé de mon côté dans la poche intérieur de ma chemise blanche, histoire d'être plus sûr sait-on jamais. Les minutes passent, je me trouve toujours à l'entrée du parc. Et je regarde l'heure. Je tape du pied. Observe les minutes. Souffle. Décidément, j'ai un peu de mal à attendre, ça commençait à se faire long. Je décide finalement de prendre un petit café dans un distributeur non loin d'ici. Enfin j'entre avec au parc, et marche un peu. Puis un spécimen que je n'avais jamais vu jusqu'à maintenant, se présente non loin de moi. Ultra coloré, maquillé, des et ne parlons même pas des vêtements assez excentriques. Est-ce que c'est un homme ou une femme ? En tout cas je reste surpris en voyant la manière dont il/elle parlait aux gens. Cette personne s'est prise pour Beyonce ou quoi ? Ça me désespère, la mode, et tout ce qui s'en suit. Pas que je sois vieux jeu, j'aime bien aussi m'habiller classe, mais il y a un stade à ne pas dépasser. Enfin, je me tourne et continue mon chemin sans trop y prêter attention. Je fais tourner la petite cuillère en plastique dans mon gobelet pour y mélanger tranquillement le sucre. Oh, je pouvais l'attendre longtemps.

« Chérie cé pas possible pousse tey fesses veux-tu? »

Ouah. Je lève un sourcil, un peu surpris de ces paroles. Chéri ? C'est pas possible ? Pousser mes fesses ? Je me tourne, la bouche entre-ouverte et je reste immobile comme un idiot, tenant mon café d'une main. Je la/le regarde d'un air incompréhensible. Comme si j'avais mal compris ses mots ou quoi. Non non, ce n'était pourtant pas le cas. Je remarque que madame/monsieur était en train de récupérer ses sacs près de mes pieds. Oh ahah c'était donc à elle ou lui ? Bon je vais dire lui hein j'en ai marre de faire masculin féminin il a une voix d'homme quand même bordel. Mais je suppose que s'il s'habille féminin c'est. Bon ça sera elle alors. Je me racle la gorge et tire un peu sur ma cravate.

- Et POURQUOI déposer des sacs en plein milieu du chemin, sachant qu'il y a peuuuuut-être des voleurs dans le coin ? Si mes fesses vous dérangent, rien ne vous obligeait de les regarder. Puis vous me tutoyez ??

Voleur. Qu'est-ce qu'un voleur voudrait faire de ces machins sérieusement...... voleuse peut-être. Ah, la féminité de nos jours. Enfin je ne voulais pas être méchant avec elle. Elle n'a rien dit de déplacer non plus, mais quand même hein. Puis merde, tant qu'à faire.

- Et bien ok on va la faire comme ça. J'peux savoir pourquoi TU critiques la manière de s'habiller des autres ? Personne n'est TOI. Tu es le genre de personne qui fait encore plus déprimer ceux qui le sont déjà. T'imagines la fille là-bas elle était déjà mal ? Et qu'on lui reproche souvent ce genre de choses ? ET QU'ELLE EN PLEURE TOUT LES SOIRS TU CULPABILISERAI PAS UN PEU ? FRANCHEMENT OU VA LE MONDE QUOI. UN RIEN PEU TOUT CHANGER. Dris stop stop recommence pas à partir trop loin dans ton imagination débordante. Aller tais-toi continue ton chemin, merde. ET FRANCHEMENT QUI VOUDRAIT RESSEMBLER A LADY GAGA DIS MOI ? Oh non attends je je je voulais dire euh... dans ton style à toi certes certes tu as ton propre style.... Je crois ? PAS COMMUN MAIS OUAIS ABORDE PAS COMME CA LES GENS.

Silence. Je me sens un peu mal au fond de moi de crier déjà d'une et de dire ce genre de choses qui sortent de nul part et d’agresser cette pauvre..."femme" qui ne faisait peut-être pas ça par mauvaises intentions mais qui me dit que non. Rah, toujours obligé de faire scandale. Bon sinon l'autre il fait quoi.

Une gifle. Elle. m'a. giflé ? Alors là, je ne m'étais encore JAMAIS fait claqué par un..une inconnue. Enfin si, bon, plusieurs fois mais euh. C'était parce qu'il y avait erreur sur la personne. Bref, je ne dis plus rien. Je la fixe, surpris que je m'en reçois une... pour si peu  
Des manières. Des chichis par-ci et par-là. Cette personne se prenait vraiment pour ce qu'elle n'était pas. En temps normal, j'en aurai peut-être ris, j'aurai peut-être même sympathisé, mais ce genre de comportement m’insupportait. Je ne peux pas m'empêcher de rouler les yeux et de prendre un air ennuyé, enfin au fond de moi j'étais plus agacé qu'autre chose. Et puis, évidement comme je m'y attendais elle me critiquait, et pour franchement dire si j'étais une femme, elle s'en aurait pris une. Sérieusement, elle se prenait pour qui ? Pour ma mère ? Mais c'est quoi SON PROBLEME ? Je m'habille comme je veux attends, qu'est-ce que tu t'y connais ? Je frappe ma main contre mon visage. J'hallucine vraiment, elle comptait vraiment m'expliquer. Non, pardon, alors tu le fais pas à moi ça. Ce n'est juste pas possible. Je sais quand même comment je m'habille, je sais être classe, je voilà. Et c'est pas un type chelou qui débarque de nul part qui va me faire un cours de je ne sais quoi si ? Et merde, voilà qu'elle m’entraînait déjà je ne sais où. Attendez. QUOIIIII ?! Mais elle délire là, je ne l'écoute même pas et. Elle dépose ses sacs sur moi ? Mais elle m'a pris pour qui ? Je jette complètement tout au sol, même en plein milieu de la route.

- NON MAIS TU M'AS PRIS POUR QUI ? Déjà la claque je digère mal, mais les sacs ? Non franchement, calme toi immédiatement. Je n'ai pas envie de devenir agressif ni violent, mais si tu parlais aux gens d'une différente manière ça passerait peut-être mieux. Je n'ai pas besoin de recevoir des conseils d'une personne comme toi. Et si tu pouvais arrêter de m'appeler chéri, je trouve ça extrêmement gênant. Je ne suis pas une COPINE. Mais un homme que tu ne connais pas.

Je soupire. Dois-je réellement parler de moral chaque fois que je rencontre quelqu'un d'étrange, je le crois bien. Je vais essayer d'arranger les choses qui sait ça m'évitera peut-être une deuxième claque inutile car elle semble EXTRÊMEMENT susceptible. Je ramasse les sacs - et attends que les voitures dégagent pour récupérer les autres - et reviens. Je pose alors ma main sur son épaule et soupire de nouveau.

- Bon aller, je vais gentiment t'écouter, as-tu vécu quelque chose de traumatisant pour que tu paraisses si désagréable ? Et je parle sérieusement parfois ça fait du bien d'en parler, alors vas-y. Tu peux m'appeler Docteur Dris si tu veux mais si tu pleures je n'ai pas de mouchoirs sur moi.

ET SI JE ME TROMPAIS TOTALEMENT ? Ce n'est pas grave je lui montre comme ça que je suis pas qu'un passe temps qu'on habille par les goûts de chacun, oh. Puis j'essaie de me calmer aussi PARCE QUE MOI NON PLUS JE RISQUE D'ETRE PAS COOL.

Un bon point, c'est qu'elle semblait nettement plus calme d'un coup et en plus, avec de la chance ça m'évitera une deuxième baffe. Seulement s'il y a bien une chose auquel je ne m'attendais pas, c'est qu'elle prenait mots pour mots au sérieux. Euh, comment dire. Je ne suis pas docteur hein. Oula. Ses problèmes pendant des HEURES ? Oh, haha en fait. Euh. Attends deux secondes, des minutes, une heure je veux bien mais plusieurs ça n'est juste pas possible et si l'autre vient je serai obligé de partir immédiatement. Ah putain, d'ailleurs il ne devrait pas tarder. J'espère que j'aurai déjà fini de parler avec cette personne quand il viendra. Et voilà qu'elle me propose qu'on aille discuter d'elle sur un banc. Merde. Sérieux je me demande laquelle des situations est réellement pire, celle-ci ou la précédente. Voilà, à trop vouloir faire le bon samaritain. Bordel. Je lâche un bref sourire mais j'étais tellement mal à l'aise au fond. Non mais. Aller, je m’assois à mon tour mais au bout du banc. Je prends mes distances quand même, hein. Je ne voudrais pas que les passants pensent certaines choses. Elle commence à parler d'elle, visiblement "elle" était japonaise et africaine. C'est vrai qu'en ce moment pour se faire de l'argent ce n'est pas facile avec la crise, mais forcément ceux qui en avait... Alors comme ça, son père serait quelqu'un de riche. Tiens donc.

- Euh, en fait quand je disais docteur, c'est pour la forme pour détendre un peu l'atmosphère si vous comprenez, haha... Non sinon, je ne suis qu'un simple barman. Je préfère discuter calmement que de m'offrir en spectacle en train de m'engueuler avec vous.

Évidemment j'ai recommencé à vouvoyer la personne. Disons que j'étais passé au tutoiement comme elle l'avait fait et c'était plus parce que j'étais énervé. Mais il est hors de question que je continue comme ça, donc je lui parle comme je parle à tous les inconnus de ce monde. Bref, j'enchaîne bien que c'est pas tout les jours que je me mettrais à parler à des inconnus de cette manière.

- Oh, votre père est toujours ici ? Vous comptez rester au Japon je suppose. Et comment vous en êtes arrivé à... comment dire. Aborder n'importe qui pour parler de style et tout ce qui s'en suit ? Parce que ce n'est pas commun tout ça, hahaha. En revanche, vous devriez faire plus attention dans votre manière de parler, si vous tombez sur des fous ou des personnes susceptibles et impulsives, ils peuvent vous frapper. Heureusement que je sais me rendre compte quand une situation n'est pas si grave que ça.

Je ne sais pas si cela n'est qu'une impression, mais je me sens étrangement inquiet. Battre des cils de manière exagérer et se rapprocher discrètement de moi, je pense qu'il n'y a aucun doute : je semble un petit peu l'intéresser. Forcément, pour essayer de bien lui faire comprendre que ce n'est pas mon cas et que je ne souhaite absolument rien, je me recule légèrement. D'un coup, elle semble étrangement surprise. Je n'arrivais jamais à saisir ce genre de personnage, mais en tout cas je trouve ça plutôt drôle. Elle n'est pas si méchante que ça au final bien que ses paroles viennent juste de me donner des frissons : comment ça, je suis dans son coeur. Haha, attendez.... Non. NON. C'est quoi ce changement radical de comportement ? C'est flippant. Je ricane de manière nerveuse. Pourquoi elle pleure ? POURQUOI TU PLEURES ? Oh mon dieu, que se passe t-il ? Je dois avouer que je ne comprends pas grand chose mais c'est un spectacle à elle-même. Je n'ose pas dire grand chose pour tout vous avouer.

Seulement voilà, elle pose sa tête sur mon épaule et sert mon bras. Wait a second. Re-cu-le-immé-dia-te-mment-oh-mon-dieu. Je panique, je me sens crisper. Disons que ce genre de contact avec... un homme, une femme, je ne suis même pas sûr. C'est vraiment gênant et avec les passants je non. Ce n'est juste pas possible quoi, j'ai rien contre elle. Je frappe alors ma main contre mon visage. Si ça peut la consoler, vas-y. Je ne pense pas que cette scène aux yeux de tous soit crédible, et tant mieux j'ai envie de dire. Aimer comme moi ? Euh...... non, non attends. Elle mélangeait vraiment tout. J'essayais seulement de calmer les choses (ce qui a d'ailleurs vraiment marché).

« En effèt jé comptey rester ici! J’ai déjà commencey à fairey ma placey au Japon et puis entre vous et moi « doctèur » j’a-dooooo-rrrè cet endroit! Il s’est MA-GNI-FI-QUEY. Eh pouis maintènant que jé vous ait rencontrey, j’ai une autrey bonné raison de rester m’voyez. »

Ça sent étrangement très très mauvais pour moi. Je tourne lentement ma tête à l'opposé et tire une grimace, comme si j'appelais de l'aide. D'ailleurs, j'en avais presque oublié la raison du pourquoi je suis ici. Soit je l'ai raté. Soit il lui est arrivé quelque chose. Soit... il m'a vu avec cette personne et à décider de prendre la fuite. Je me racle alors la gorge, posant mon dos contre le banc, les mains dans les poches et l'air détendu.

- Ma foi, c'est vrai que le Japon est beau. Il y a pas mal d'endroit intéressant, je ne suis pas d'ici non plus mais mon beau-père est Japonais, puis ce pays m'a toujours fasciné. Si vous saviez à quel point son image a malheureusement un peu changé depuis. Le pays le plus calme commence à s'agiter. je marque une pause. Vous devez quand même vous sentir plus à l'aise ici non ? Du moins, je parle des regards. Il doit y avoir moins de commentaire désagréable en ce qui vous concerne que dans d'autres pays ?

Oh c'est peut-être un sujet délicat mais elle à l'air de s'assumer donc je suppose que je peux quand même la questionner à ce sujet.