Sébastien Nivral.
Disons qu'on ne peut pas le qualifier par autre chose que la simplicité. Un jeune homme français, la trentaine, gambadant dans la grande ville de Tokyo. Devoir expliquer son parcours serait bien inutile, alors contentons-nous de savoir qu'il n'est qu'un petit – dans tous les sens du terme – professeur de lycée, enseignant sa langue natale à de jeunes japonais. Il aime ce qu'il fait. Ce qu'il n'aime pas ? Côtoyer les êtres humains. Misanthrope, pour sûr, il est tiraillé entre le cœur et la raison comme on le dit souvent.

La rentrée avait déjà eu lieu le mois dernier. Il avait largement eu le temps de se refaire à son rythme de travail, à se lever tôt, à rentrer le soir. A rentrer le soir et être seul. Ca ne le dérangeait pas vraiment, à force. Il y avait pris goût.

Sébastien entrait dans la salle, son sac à la main qu'il déposait sur le bureau reposant sur l'estrade. L'air sérieux, stricte et respectable demeurait dans la pièce, comme à chaque cours de français qu'il donnait.

« Bonjour. »

Et le cours commençait.

« Je suppose que vous ne me retenez pas pour me féliciter de mes incroyables résultats, monsieur ? »

Oh, effrayé ?
Sébastien ne prenait même pas la peine de le regarder, le nez plongé dans le paquet de copie de l'élève à ses côtés. Il n'entendait pas beaucoup Kitsue en cours, et il avait très vite remarqué que son intérêt pour la langue française s'approchait de zéro. En soit, De Nivral non plus n'y apportait pas beaucoup d'importance, il exerçait ce métier parce qu'il n'a jamais su quoi faire d'autre et il ne tenait pas spécialement à s'enrôler dans l'armée ou finir chef de gang, quelle bonne blague. Non, il était décidément un homme bien plus sage que ça, exerçant une vie modeste et raisonnable.

Enfin, il leva ses yeux gris vers l'asiatique, planté face à lui. Le brun prit une mine faussement surprise :

« Oh... Serait-ce une once d'intelligence que je vois là ? Il soupire. Ah non. Autant pour moi. »

Sarcasme.
C'était bien connu, monsieur De Nivral n'était pas un doux, il était même plutôt mal vu avec les élèves par son côté trop sévère. Même ses collègues lui ont demandé d'être moins cassant. Voyez-vous même comment il a décidé de faire évoluer les choses.

« Vous avez un cinq. Cinq sur cent. C'est pitoyable, Kitsue. »

Sec, comme toujours. Il lance les papiers sur la table avec une certaine haine, croisant ses bras, regard agressif vers l'adolescent.

« Si vos notes ne montent pas je serai dans l'obligation de devoir prendre contact avec vos parents. Vous dormez en cours, vous faites mal les travaux... C'est quoi votre problème, au juste ? »

« Je ferais des efforts si ça en valait la peine, je vous assure. Apprenez-moi quelque chose d'intéressant, allez-y ! »

Insolent.
Sébastien tiquait. Sans doute par surprise, un peu. Il n'était pas habitué à ce qu'un élève ne joue aussi du sarcasme et mettant en doute ses capacités professionnelles. Ses sourcils s'étaient à peine froncés, il n'était pas du genre à extérioriser son mépris envers l'espèce humaine plus que d'habitude bien que ce gosse mériterait trois claques. Il gardait son calme olympique, déstabilisant et désagréable, amère. Handicapé des relations sociales, petit professeur de français dans une école japonaise, la cravate serrée jusqu'à la base de sa gorge, propre sur lui, dos droit et démarche sérieuse. C'était à ça qu'il se limitait aux yeux du monde, et pourtant, tout ça allait bientôt finir. Bientôt tout sera fini.

« Très bien. Vous allez apprendre à ravaler mon insolence. »

Le français se levait alors, examinant une dernière fois la copie de l'élève qu'il avait juste envie de jeter par la fenêtre. Il avait bel et bien conscience que sa matière ne pouvait pas plaire, les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas comme on dit. En revanche, il acceptait moins la désinvolture et le manque total d'implication personnelle.
Le professeur se tournait vers lui, lui plaquant la brosse à tableau contre le torse, la poussière s'éparpillant sur son vêtement avant qu'il ne lance avec une once de moquerie :

« Nettoyez la salle. Après tout c'est ce que vous êtes voué à faire si vous ne travaillez pas. J'ai un appel à passer, je reviens dans quinze minutes. Que tout soit fini quand je reviens. »

Quinze minutes pour passer le balais, nettoyer les brosses et le tableau, ramasser les papiers au sol et vider la corbeille. Prêt ?
Sur ce, Sébastien quittait la pièce, remarquant au passage – et sans étonnement – que Kitsue était bien plus grand que lui. Tant pis, il s'est fait à l'idée.

Quittant la salle en faisant doucement claquer la porte coulissante, il s'installait dans un coin du couloir avant de sortir son téléphone.
Contrairement à ce qu'il laisse penser, De Nivral n'est pas si seul que ça. Le célibat, il l'ignore depuis presque un an et demi, partageant une histoire à distance avec un homme anglais rencontré par... il ne sait plus, en fait. Toujours est-il qu'il est amoureux. Enfin, il pense. Toujours est-il qu'il a prévu de poser sa démission d'ici la semaine prochaine, tout plaquer et le rejoindre. Mais, pas avant d'avoir fait remettre les pieds sur terre à cet adolescent teigneux qui pourrait mordre comme un chihuahua.
Puis il tombe sur la messagerie. Il appelait son amant, bien entendu. C'était sans doute la seule personne au monde à pouvoir le mériter.

« Hey. Je voulais juste savoir... deux trois trucs par rapport à l'emménagement. Rappelle moi vite. »

Il soufflait. Tant pis. Il était presque habitué à tous ces vents au bout d'un an et demi.
Maintenant, il devait patienter quinze minutes, comme promis, histoire de laisser un peu de temps à son souffre-douleur de se remettre de ses émotions. Et quand cela fut fait, il revint, l'air de rien, quoi qu'un peu plus froissé de ne pas avoir pu passer son appel comme il se devait.

« C'est terminé ? »

Insolent, insolent. Ah. Il avait envie de lui planter un couteau dans la main, dans le dos, partout en fait, et très probablement de le brûler par la suite après l'avoir transformé en gruyère. Mais non, Sébastien n'était pas un meurtrier, c'était toujours un petit professeur de français au Japon qui devait amener ses élèves dans la réussite et la vie professionnelle... Les coups de cravache manque, comme au bon vieux temps. Pourquoi a-t-on interdit ça, déjà ?
Il soupire, observant Kitsue gardant ses distances avec lui. A la guerre comme à la guerre. Dos droit, menton relevé et mains liées dans le dos, il avance d'un pas presque militaire le long de la pièce, passant sa main sur le coin de l'une des tables avant de constater les saletés qui y traînent encore.

« ... A quoi ça ressemble chez vous si vous n'êtes pas foutu de nettoyer correctement. »

Maniaque, jusqu'au bout.
Sans ajouter quoi que ce soit, le français s'empressait de saisir le sceau derrière l'armoire et d'aller le remplir avec l'eau des robinets dans l'eau des toilettes juste à côté de la salle. Une fois cela fait, il revint aussitôt en déposant le récipient au sol.

« Très bien, si vous ne pouvez pas retenir ma langue, alors je vais vous montrer comment être efficace au moins dans un domaine. Vous me remercierez un jour. »

On ne vous l'avait jamais dit ? Sébastien est horriblement porté sur le ménage et la propreté. Il ne supporte pas la saleté et a toujours de quoi se nettoyer les mains sur lui.
Se défaisant de sa veste qu'il lâche avec nonchalance sur son bureau, remontant ses manches dévoilant des avant-bras musclés étrangement, c'était un tout autre homme qui faisait face à l'adolescent. Se mettant un peu plus à l'aise, déboutonnant les deux premiers boutons de sa chemise tout en desserrant l'étreint de sa cravate, Séb' ne perdit pas de temps et allait saisir la serpillière qu'il plongeait dans le sceau.

« Première règle : le sol. »

Dit-il en pointant la serpillière en question violemment vers l'étudiant, lui éclaboussant le visage par mégarde. Le pire dans tout ça, c'est qu'il y mettait du cœur et était parfaitement sérieux. D'un côté, c'était le seul moyen qu'il avait trouvé de gérer son stress que de faire le nettoyage ainsi.

« On ne nettoie pas dans la saleté. Le sol c'est le premier endroit crade d'une salle de classe, tout ces fichus gosses qui piétinent dans la merde et qui ramènent ça ici, très peu pour moi. »

Oh, il s'emportait un peu.
Cette scène avait quelque chose d'épique. Quoi de plus étrange que de voir son professeur de français faire le ménage avec tant de détermination ? Ou plutôt de voir son professeur passer la serpillière avec une sorte de grâce ?
Il y allait presque avec des pas dansants, délicats, romantiques dans un sens et puis tout fut fini en quelques minutes qui semblaient être des secondes.

Pourquoi il me rappelle pas.

Il se stoppait, net. Pense à autre chose.

« Le ménage est une discipline bien plus difficile qu'il y paraît et... »

Sébastien serre le manche en bois entre ses deux mains, jambes écartées, dans une position d'art martial, pointant le bout de « arme » vers sa victime. Regard sombre, envoûtant.

« Peut rendre plus fort et plus souple qu'un art martial ! »

Ca y est on a perdu le prof, il a fumé sa baguette de pain ou son béret.

« Compris, Kitsue ? »

Puis il rit aux éclats. Il. Rigolait. Non il se foutait clairement de sa gueule, Sébastien ne pouvait pas passer au travers de ça. Il restait le fixer avec insistance avec cette folle envie de l'attacher à son bureau et de le martyriser jusqu'à ce qu'il le supplie d'arrêter, et sans aucun doute ses pensées infâmes pouvaient se lire au travers de son regard on ne peut plus agressif, assassin. Il avait souvent des pulsions meurtrières, mais l'on peut remettre la faute sur l'absence de nouvelle de son amant soudainement tout comme sa misanthropie grandissante.
Serrant un peu plus fort le manche à balais, fixant avec insistance l'adolescent sans même quitter sa position embarrassante au fur et à mesure. Je vous aime bien. Boum, en plein cœur. Le français se plantait soudainement sur place – plus qu'il ne l'était – et manquait de faire tomber la serpillière au sol. Les joues cramoisies tout à coup, il se retournait, cachant son visage dans l'une de ses mains en tentant de reprendre son calme. Wow il se passe quoi ?
Pourquoi il le trouve mignon ?
Non mais n'importe quoi. T'es en couple, rappelle-toi, et c'est un gosse qui sait à peine parler correctement. Le professeur se raclait la gorge bruyamment avant de reprendre :

« Cela vous amuse ? Très bien, deux heures de colles la semaine prochaine, à mon tour de rire. »

Dit-il alors en notant la sanction sur le papier disposé sur son bureau. Bien. Cruel, parfait.

L'occidental ayant enfin repris une teinte naturelle, il allait poser son derrière sur sa table, se soulevant du sol sans trop de difficulté malgré sa petite taille.

« Continuez de nettoyer, en attendant. »

Puis il croise les bras, menton redressé.
Esclavagisme ?

« Plus vite que ça. Vous m'aimez bien, apparemment, vous pouvez bien le faire ? »

Sora semblait soudainement plus détendu. Sébastien aurait râlé intérieurement en temps normal mais il avait peur que le rouge de ses joues ne refassent apparition. Quelle réputation il se ferait après tout ça... Voilà que son élève le trouve drôle maintenant, c'est la meilleure ? Une petite goutte de sueur traversait sa tempe tandis qu'il sentit sa gorge se serrer. Lui ? Drôle ? Bonne blague, gamin, mais reviens plus tard, t'as peut-être sucé un clown mais tu m'auras pas avec ton faux air attendrissant et niais à souhait.

« Taisez-vous. »

Dit-il dans un soupire exaspéré, mais pas méprisable. Non il n'était pas un doux, mais pas une brute non plus – jusqu'à preuve du contraire il ne se trimbalait pas dans la rue toujours armé d'un couteau. Ses pieds se balançant au-dessus du sol comme l'aurait fait un jeune enfant, le brun fixait le plus jeune s'attaquer au ménage jusqu'à ce qu'il entende la sonnerie de son portable retentir. Retenant un large sourire, il se jeta presque sur ce petit bijou avant de s'empresser de sortir de la salle.

« Je reviens. »

Marchant le long du couloir abandonné, il sentit son cœur battre la chamade rien qu'en voyant le prénom de son amant s'afficher sur le petit écran pixelisé. Sans plus attendre, il décrochait.

« Ohé, t'en as mis du temps. Désolé je suis un peu occupé avec le boulot mais je voulais vite savoir par rapport au déménage- »

La voix retentissant dans le combiné était sèche, froide, tout comme les mots qui s'en suivirent. Sébastien se figeait sur place, yeux rivés sur un point invisible, bouche à moitié ouverte, bredouillant quelques syllabes avant de reprendre :

« Q-Quoi ? Attends tu peux pas faire ça, on avait d- »

Biiip. Biiiip. Biiip.
Silence.
Néant.
Noirceur.
Plus rien.
Le bras du français retombait le long de son corps, les cernes sous ses yeux se démarquant un peu plus. Son expression était horrifiée et à la fois incompréhensible. Dans un silence de mort, il traînait des pieds jusqu'aux toilettes, faisant face au lavabo dans lequel il plongea sa tête pour se reprendre, retenant les quelques larmes de couler, les cris de s'échapper du fond de sa gorge.
Il venait de se faire larguer comme un malpropre.
Alors que tout était déjà tracé, qu'il avait déjà la boule au ventre à l'idée de reprendre sa vie autre part. Le professeur, ou plutôt misérable homme anciennement amoureux, se laissait glisser le long de la paroi derrière lui, tête abaissé, faciès abattu. Il demeurait ainsi comme ça, son absence devant perdurer, sa chemise était trempée. Il était ridicule, à un point inimaginable.

Sa presque bonne humeur, son amusement venaient de s'éteindre, laissant place à une sombre colère alors qu'il retournait jusqu'à la salle, claquant la porte coulissante derrière son passage.

« Vous pouvez rentrer chez vous. »

Décida-t-il en fin de compte sans même fixer l'élève.

Largué, largué comme un déchet. Comme une pauvre merde, en un claquement de doigt. Sébastien n'arrivait juste pas à y croire, la tête appuyée contre la paume de sa main alors qu'il regardait les feuilles s'accumuler sur son bureau, retenant un cri du fond du cœur, de rage, de tristesse. Putain, ça faisait mal. Et le pire, c'est qu'il ne s'y attendait absolument pas. Il ne s'y attendait pas, il pensait que les choses ne pouvaient qu'être meilleures et ne jamais s'arrêter. La dure réalité venait de lui coller une sacré baffe au travers de la figure. Une baffe dont il allait se souvenir toute sa vie tant elle était douloureuse. Elle allait laisser des traces, pour sûr. Et puis, alors qu'il se plongeait un peu plus dans des méditation amères, il ne remarquait même pas que l'élève séquestrer si je puis dire venait de quitter la pièce. Damn. Bon débarras, un trou du cul en moins dans sa vie. La solitude a toujours été préférable. Il n'aurait jamais dû fricoter avec cet anglais, ni jamais le connaître.

Quelque chose heurtait le panneau de bois, le faisant tiquer et redresser le bout de son nez, les yeux un peu rougi face à la... gentillesse de son élève. Le professeur baissait la tête vers la boisson, s'apprêtant à rougir soudainement avant de reprendre son sérieux en se raclant la gorge.

« Bonheur hein... »

Pesta-t-il, claquant sa langue contre son palais.
Boire, ou ne pas la boire. Au choix. Il pouvait faire l'adorable prof' sentimental et boire une boisson chocolatée avec son souffre-douleur ou justement, le ramener à son statut de souffre-douleur.
… la deuxième option fut la bonne, d'après lui.

« Vous avez quoi, seize, dix-sept ans ? Il est temps de devenir un homme. Je paris tout ce que vous voulez que vous n'avez jamais fumé un joint, ni bu une goutte d'alcool. Et je mets ma main à couper que vous êtes encore vierge. »

… La délicatesse incarnée.

« Je vais remédier à l'une de ces choses. »

Glissant l'une des mains dans les poches de son costume après avoir enfilé à nouveau sa veste, le français saisit de son autre paume le poignet de Kitsue.

C'était illégal, pour sûr.
Sébastien pourrait perdre son emploi si l'on apprenait qu'il allait se saouler avec l'un de ses élèves au retour des cours. Oh, et puis, tant mieux. Dans le fond, ça ne le dérangeait pas comme ça, quitte à se faire jeter une seconde fois comme un malpropre, c'est comme si rien ne pouvait l'atteindre en vérité. Il fixait l'adolescent ingurgiter la liqueur dans sa gorge, faisant des expressions faciales amusantes et mign- amusantes, herm. Ils allaient être un piteux état, l'un comme l'autre. Dans tous les cas, Kitsue ne semblait pas totalement réticent, pour ne pas dore qu'il était consentant. Il n'avait même pas broncher à l'idée de finir son verre, et De Nivral ne lui avait jamais demandé de boire son verre cul sec à vrai dire. Mais il le laissait faire, sourcils haussés et l'air faussement surpris que de voir ce gosse tomber si vite dans un piège qu'on aurait pu lui tendre.
Néanmoins, le professeur de français n'était pas un manipulateur, du moins, pas dans la vie active. Il aimait simplement profiter de quelques petits plaisirs qui lui était donné d'avoir sans vraiment réfléchir aux conséquences qui lui ont toujours semblé minime. Se contrefichant bien de ce que pouvait penser ses collègues quant à son comportement proche de celui d'un ermite, le brun avait toujours pris l'habitude de vivre indépendamment des règles. La preuve, encore une fois, aujourd'hui.

A son tour, le plus jeune le « provoqua » de finir son verre.
Dans un sourire en coin, Sébastien ne fut qu'à moitié étonné de voir ce gosse essayer de défier son aîné. De toute façon, d'ici cinq minutes, Kitsue tomberait raide mort sur la table ou serait déjà nu en train de danser sur le comptoir pour le plus grand plaisir des messieurs autour.

« Je suis tout de même impressionné que vous vous preniez au jeu, moi qui imaginais que vous alliez partir en pleurant comme une fillette. »

Petite provocation pour la route.

« Faut savoir profiter de la vie. »

Concluait-il avant d'apporter la boisson à ses lèvres, exécutant la même action que son élève. Le liquide lui brûlait la gorge, lui faisant plisser les yeux au maximum alors que, quelques secondes à peine après, il reposait le récipient avec hargne sur la table. Secouant un peu sa tête, riant nerveusement, les joues déjà un peu rouges, il sentait déjà l'alcool lui monter au cerveau.

« Ne me provoquez pas plus, vous risqueriez de perdre. »

Puis il laisse son front s'éclater sur la table, tout à coup. Bam. Trop tard, l'alcool faisait déjà malheureusement effet et il ôtait sa cravate pour la balancer plus loin dans la pièce.
Je vous présente Sébastien de Nivral, pas capable de s'enfiler un verre sans tomber.

« Même si j'ai déjà tout perdu je viens de me faire plaquer comme une grosse merde... »

Marmonna-t-il en fermant les yeux, toujours accablé sur le panneau de bois.

Dans ce monde, il n'était absolument pas capable de tenir l'alcool. Il lui fallait à peine un verre de ce liquide puissant pour qu'il se sente déjà complètement achevé. Le rouge lui montait aux joues sans qu'il puisse le contrôler. Il le savait, bon sang. Il savait qu'il allait finir raide mort s'il allait dans ce bar, s'il commençait à s'empiffrer de liqueur. Il s'était moqué de Kitsue et maintenant c'est comme s'il payait de ses crimes. En parlant de ce dernier, il finit par agir, tapotant maladroitement le dessus du crâne du professeur. Qui, d'ailleurs, n'a absolument pas réagi, le temps qu'il comprenne ce qu'il se passe, l'on pouvait attendre bien longtemps. C'est à peine s'il l'avait écouté parler, sa pensée se résumant à : ta gueule, laisse-moi. Avant de se souvenir que si cet adolescent était assis à la même table, c'était sa faute. A lui. Damn. Il avait envie de se foutre des baffes.

Le français redressait le bout de son nez, yeux un peu dans le vague et visage complètement écrevisse, cela ne l'empêchait pas de commander deux secondes verres d'un autre alcool tout aussi fort en un signe de main vers le serveur. Ce dernier revint aussitôt avec du saké. En forte dose. Sans doute avait-il compris qu'ils n'étaient pas là pour discuter affaire mais bien pour se bourrer la gueule, tout du moins, c'est le cas du brun complètement désespéré, agissant comme une adolescente après une rupture.
Les verres – ou plutôt coupelles – arrivèrent relativement vite, et c'est sans surprise que Sébastien s'était pratiquement rué dessus avant de retourner éclater son front contre la table, silencieux. Ses cheveux charbonneux à moitié rasé s'éparpillaient sur le panneau de bois avant qu'il ne commence à marmonner des choses incompréhensibles, probablement liées à sa rupture.

« Kitsue. »

Dit-il en levant la tête vers le pauvre étudiant. Il restait le fixer les yeux, l'air absolument sérieux alors qu'il sentait son corps tanguer quelque peu. Et puis, merde. Il devenait complètement stupide.
L'aîné appuyait ses deux paumes sur les épaules de sa victime, le clouant à sa chaise avant d'enjamber ses cuisses et de s'installer à califourchon sur ces dernières. Son dos se courbait quelque peu, une position presque trop féminine alors qu'il faisait preuve d'une souplesse insoupçonnée.
Langoureusement, ses doigts remontaient vers le visage de l'asiatique, sans se soucier des regards autour. Son faciès se penchait un peu sur le côté et, dans ce même mouvement, se rapprochait de son compagnon. Souffles mêlés, un baiser inexistant néanmoins.

« ... j'ai trop bu je crois. »

Bravo Sherlock, quelle conclusion.

Sébastien devenait dingue, complètement dingue. A la limite de la stupidité, assis sur les cuisses d'un garçon plus jeune d'environ quinze ans, agissant comme une femme en chaleur ou un animal en rut, son corps enflammé et ses pensées déjà obscènes malgré lui. Il allait à l'encontre des règles, celles fixer des relations entre professeur et élève. Une relation homosexuelle, en plus. Une relation homosexuelle sur un coup de tête, tous les deux en train de se saouler dans un bar piteux. Une relation des plus malsaines, qui lui vaudrait sans aucun doute son licenciement. Mais il n'avait plus grand chose à perdre, désormais. Et le pire dans tout ça, c'est qu'il appréciait. Il souhaitait simplement se réveiller avec une sale gueule de bois et ne jamais se souvenir de ce qu'il s'est passé avec l'adolescent, oublier que ce dernier venait l'embrasser avec une certaine fougue et qu'il se laissait complètement emporter par cette langoureuse danse. L'alcool avait eu raison de lui, laissant de côté sa conscience pour écouter ses envies primaires qui se résumaient sans aucun doute à un désir sexuel imminent avec un gamin qu'il venait d'engueuler et martyriser à cause de ses copies.

Les doigts de l'adulte se refermaient un peu plus sur les épaules de son – désormais – partenaire. Prolongeant le baiser sans limite imposée, mêlant sa langue avec sa comparse toujours plus fougueusement, le corps de l'occidental toujours plus compressé contre celui de son comparse. Souffle accéléré, encore et encore, Sébastien dû finalement faire le choix judicieux de quitter les lippes de son compagnon, la respiration hachée. Pourtant, cela ne l'empêchait pas de se balancer un peu vers l'arrière pour saisir la bouteille de saké et en boire une, puis deux gorgées avant de la reposer lourdement sur le panneau de bois. Le visage plus rouge, les yeux brumeux, De Nivral défaisait le haut de l'uniforme de l'adolescent, loin d'être maître de ses gestes, juste pour pouvoir glisser ses menottes contre la peau de son torse et de sa nuque dans des caresses presque passionnées. Et puis un nouveau baisé alcoolisé reprenait, plus court cependant.

« Vous bavez. »

Dans un léger sourire que l'on pourrait qualifier de malsain, le pouce de l'homme vint s'écraser contre le coin de ses lèvres, essuyant la salive – qui lui appartenait en fait mais il était trop bourré pour s'en rendre compte.

« On peut... peut-être s'amuser autre part, tous les deux ? … Prenez ça comme vos deux heures de colle. »

… J'ai trop bu qu'est-ce que je suis en train de faire, arrêtez moi Kitsue.

Je vais finir à la rue, ou sous les ponts de Paris, j'vais perdre mon travail et j'aurai même plus assez d'argent pour me raser pourquoi la vie.

Sébastien se laissait entraîner hors du bar, abandonnant sa pauvre cravate au sol en ayant totalement oublié son existence jusqu'à ce qu'il ne manque de tomber en se prenant les pieds dedans. L'extérieur était plus frais, plus agréable. Le français échappait une soudaine moue d'extase lorsque qu'une brise fraîche effleura sa peau en feu. Malheureusement – ou pas – l'adolescent avait continué à l'amener je ne sais où, répondant à ses pulsions de gamin en chien, ou à celles de l'alcool. Ou peut-être les deux. Dans tous les cas, le professeur l'avait bien cherché et il ne récoltait que ce qu'il semait. D'une façon ou d'une autre, il allait payer ses conneries, alors tant qu'à faire, autant s'amuser.

Leur démarche était un peu hésitante, un tantinet ridicule mais l'aîné réussissait encore à tenir sur ses jambes, ce qui, décidément, ne semblait pas être le cas de son compagnon qui, sans se contrôler, perdit l'équilibre et avait plaqué « maladroitement » l'autre contre la voiture. Ses mains descendaient un peu plus vers ses hanches. A croire qu'il avait juste fait exprès de le coller à sa voiture. Drôle de fantasme, Kitsue.

« Pourquoi ça n'irait pas ? »

Attrapant le col de l'élève, Sébastien allait soulever son corps pour l'appuyer contre le capot de la voiture, profitant d'une vue totale sur son torse pour pouvoir le défaire du haut de son uniforme, tout du moins de l'ouvrir, laissant les pans de tissu s'étaler sur le véhicule.

« Voyons. »

Dit-il en faisant mine de réfléchir quel endroit attaquer.
En fin de compte, il ne lui fallut qu'une seconde et quelques pour se ruer contre la base de sa gorge, l'embrassant avec fièvre et passion, abandonnant quelques marques de dents au passage sans qu'il puisse se contrôler – au moins il pourra les cacher avec des cols. Et ni une ni deux, De Nivral s'attardait à ses côtes auxquelles il infligeait le même genre de torture. Totalement sous l'emprise de l'alcool, cela n'empêchait pas le français de reprendre conscience de ce qu'il était en train de faire. Et pour tout dire, il en tombait de haut. Littéralement. En effet, Séb s'était écarté, visage cramoisi, avant de se laisser tomber sur le sol, assis, la main reposée contre son front, réfléchissant, essayant de calmer le soudain tournis et les conneries qu'il était en train de faire.

« Non j-je. Rentrez chez vous. Vraiment. »