L'argent. L'argent, c'est nul, ça sert à rien. Juste source de conflit et de connerie. Et pourtant personne ne peut s'en passer. Même moi, je sais. Moi j'ai besoin d'argent pour payer mon loyer minuscule, ma bouffe quand je la vole pas dans les marchés, mes pansements et aussi le matériel pour mes explosifs, ou les explosifs eux mêmes en fait. En tout cas, c'est pas pour rien que je braque des gens ou des banques, je peux garder des trucs pour moi et on me paye après. Si c'est pas beau la vie.

Non en réalité, la vie n'est absolument pas belle. La vie, c'est de la merde et c'est tout. Tout est trop cher, je ne gagne pas assez, je veux plus. Tous les personnes que je croise sont avares et même les gens que je crois dans le gang. Et moi aussi, je suis un sale égoïste qui ne partage pas. Mais moi, je cherche à être un connard, c'est mon objectif. Ces autres gens stupides le font pas exprès eux. Ou ils pensent que de ne pas donner de l'argent à un SDF ou ne pas payer leur employé pour leurs gentils services difficiles et potentiellement mortels ça ne fait pas d'eux des salopards. Après ils croient ce qu'ils veulent, j'en ai salement rien à foutre, je m'en tamponne l'oreille avec un bâton de dynamite. Ma vie sans ami est très bien, ne cotoyer les gens que pour les emmerder ou leur mettre mes orteils dans le fion me convient bien assez. Ou alors pour recevoir ma paye dans une enveloppe blanche, comme si quelqu'un doutait de son contenu.

D'ailleurs, c'est bien ce que je suis en train de faire, tendre la main pour prendre ma putain de paye. Mais le mec devant, dont je me fous complètement, qui dit des choses qui me dépassent, des compliments parait, je sais pas, j'écoute pas. Je prends juste l'enveloppe qui est le seul objet de mon désir et je lâche un propre:

-Ouais, ta gueule maintenant. Tu me gonfles j'te l'ai d'jà dit.

Je me permets, il a l'habitude, je suis là depuis plus longtemps, je peux lui casser la gueule, il me connait, on ne peut pas se passer de moi. Je ne demande pas grand chose, je fais pas chier, je suis tout seul, je fais le travail proprement. Enfin. Je fais le travail rapidement. Pas proprement, non, le propre, c'est pour Tikal et Tikal, c'est de la merde.

Bref, on s'en fout aussi. Tant qu'ils ne m'aiment pas.

Je tourne les talons, l'enveloppe rangée dans mon sac de travail. Je regarde le QG, je cherche un endroit où me poser. Je reste souvent seul là, parce que je peux pas trop faire chier les gens du gang, parce que sinon je me ferai virer. Et du coup, je pourrai plus avec de super informateur pour les bonnes baraques, et ça m'emmerderait. Je vais donc prendre place dans un coin sombre, je range mon masque à gaz rose fluo, oui je l'avais sur la gueule tout ce temps. Je sors la boite de pansement pour gamine, fluo rose, jaune et bleu, et je les colle sur mes coupures après un rien de désinfectant. Oui, bah j'assume le fluo. Je remets un t-shirt aussi, parce que l'air de rien il fait froid dehors. Un t-shirt turquoise foncé. Ouais, c'est ce que l'étiquette disait. Ils ont que ça à foutre de mettre des couleurs à la con sur des étiquettes à la con pour des vêtements à la con dans des magasins tout aussi cons. Je soupire, la routine, c'est très emmerdant l'air de rien.

Je range mon bordel, je regarde mes orteils à l'air, souris en coin, satisfait de leur liberté, et je sors du QG après deux trois regards méprisants aux personnes qui croisent mes prunelles orangées. Je sors du QG en retirant le foulard rouge sur mon biceps, c'est mieux de pas être emmerdé que je veux juste rentrer boire une bière et manger des nouilles préparées dans mon canapé. D'ailleurs, j'ai faim là. Je sors dans les rues, mains en poches, sac à dos... sur le dos, bien vu, abruti, et je déambule un peu dans les rues à la recherche d'un truc ouvert. Parce que oui, il doit être trois heure et demi du matin. Il y a peu de monde, mais les lumières sont toujours là. Moi je suis un bon nocturne, surtout quand je rentre du boulot en fait. Je trouve finalement une boutique nulle et m'achète un pack de bières de bonne qualité, je tiens à mon alcool et des nouilles préparées prises au hasard dans le rayon. Je lance les yens à la serveuse, sur son crâne accompagné d'un "Garde la monnaie pétasse", je prends le compte juste, quand même, je suis crevé je veux pas qu'on m'emmerde. Une fois sorti, je me rends à Minato, le bled où j'habite, à pieds bien sur, monnaie perdue que de payer le train.

Après un long moment, ou pas d'ailleurs, j'en sais rien, je m'en fous totalement, j'arrive à Minato. La il y a plus de gens, qui ne me connaissent que trop bien et qui me foudroient du regard. Je distribue quelques majeurs et sourire de connards et, puisque ça me fait vite chier, je passe dans une rue plus petite, moins fréquentée. Plus d'appartement, je suis encore assez loin de chez moi. Mais bon, pas comme si je pouvais avoir mal aux pieds ou aux jambes.

Mes pansements brillent dans le noir, c'est rigolo.
Ou pas. Rigolo. C'est quoi ce mot à la con. Je vais te le faire manger ton rigolo.

Si il y a bien un truc qui m'énerve, ce sont les gens curieux. Ceux qui t'abordent, qui veulent te connaitre, ton numéro de téléphone, un sourire, une discussion. Ils ont quoi ces gens? On s'en fiche, ils sont cons, impertinants et en plus ils ne s'en rendent pas compte. Moi je veux juste rentrer chez moi, boire la bière que je tiens dans le sachet avec les nouilles. Moi, je veux juste rentrer, faire un peu de musculation, frapper dans mon punching-ball et aller pieuter. Mais non, mais non. Il faut toujours qu'un truc arrive au mauvais moment, quand j'ai perdu plein de sang, quand j'ai une côté surement froissée et que me battre n'est pas envisageable. Non mais, voire une demoiselle avec un ton semblable à un gamin de dix ans s'approcher pour me regarder comme si j'étais une bête de foire  « Bonsoir ! J'ai beaucoup entendu parler de vous, il paraît que vous faites cavalier seul et que vous êtes trèèèès vulgaire. » surtout en disant ça, c'est vraiment pas ce dont j'avais envie. Je la foudroie du regard, mais celui-ci redevient rapidement neutre. La neutralité est une marque de mépris que j'utilise souvent. Elle me veut quoi, franchement? C'est surement une meuf de l'Eldorado, vu les rumeurs. Ils me connaissent le mieux, là-bas, si on peut appeler ça connaitre, bien sur. Ils aiment bien parler de moi je le sais, les filles surtout, paraitrait que je suis assez beau. Franchement qu'est-ce que j'en ai à foutre, je cherche pas à plaire, mais à déplaire. Alors faut pas que je sois beau. Si je cherchais la beauté, je ne serais pas couvert de pansements fluo.

« Eh bien, ces pansements fluorescents sont... Bizarres. Je crois que j'avais les même à huit ans! » Je baisse les yeux. Je regarde son doigt gratouiller un de mes très jolis pansements. Elle me cherche là. Elle veut vraiment mon gros poing dans sa gueule d'ange hein. Je grogne, je relève lentement le regard. Bon, restons calme ou pas? Elle est chez les Rouges, normalement je ne peux pas trop lui écraser le crâne contre un mur. J'inspire et lui écarte la main d'un geste rapide et légèrement violent. J'expire. « D'où tu t'permets d'me toucher gamine. » Je ne recule pas, justement j'avance pour imposer ma présence... imposante. Après tout si je l'impose, oui, elle ne peut être qu'imposante. Elle est plus petite, naturellement, comme la plupart après. Elle n'a pas l'air armée, à part de ons insolence et de sa joie qu'elle me crache salement au visage. D'ailleurs, je saisis celui-ci d'une main, le pouce et l'index sur les joues pour les compresser. Ca lui fait une bouche de poisson, oui, bon après voilà, ça lui correspond bien. Je la regarde, sourcils légèrement froncés, visage près du sien. Non pas pour l'embrasser, bande d'abruti. « Tu m'veux quoi, hein, abrutie? T'as eu un p'tit défi avec des sales copines à qui viendrait s'prendre une baffe le plus rapidement, et t'es la première c'est ça? Tu la veux ta claque? » Je ne lâche aucun sourire moqueur, juste de la haine pure et dure, de la méchanceté.

Je relâche son visage et la pousse un peu en même temps, ça c'est passé très vite. Si elle m'a frappé, je n'ai pas senti. D'ailleurs je doute qu'elle me fasse bouger avec ses petits bras chétifs et laids. Je la toise, remets la main salvatrice dans la poche de mon pantalon. Franchement, elle me prend pour qui? Un mec qui en fait est pas si méchant qu'il en a l'air? Elle m'a carrément suivi, elle a bien du voir que...

Putain de bordel, mais elle m'a suivi en plus! C'est une sale psychopathe!

Ça pourrait presque me faire peur là, si je n'avais pas peur de rien. Je me demande ce qu'elle veut à part de me faire chier. Je lève un sourcil malgré tout, je sais que ce que j'ai dit n'est pas vrai, c'était juste pour la faire fuir. Ce qu'elle fera très probablement, bon, j'y suis allé calmement, au début, ça va. Mais je vais devenir plus méchant si elle me cherche plus qu'elle ne l'a déjà fait. Je crache quelques injures lambda en recollant le pansement qu'elle a un peu défait. Non, je ne suis pas un maniaque, mais quand même, moi je tiens à ma pansements fluo, même si elle les portait quand elle avait huit ans.

Déjà ça, c'est m'énerver, de parler de ses huit ans. Franchement, putain de vantarde de merde. Elle mériterait que je lui botte le cul rien que pour ça.