Under control.

La vitesse.
Seule sensation qui me rend ma liberté, telle que je l'ai toujours vue. Une fois dans la voiture, lancée à pleine vitesse sur un circuit, plus rien ne compte. La moindre once de concentration se doit d'être dirigée sur la route, car le moindre faux mouvement sur le volant peut-être fatal. Mais rien ne serait en mesure de remplacer un tel moment. Même si à chaque secondes une épée de Damoclès oscille au dessus de ma tête, je me sens bien. Incroyablement bien.

Je m'étais levée assez tôt ce matin là. Simplement histoire d'avoir le temps de régler quelques affaires avant d'aller sur le circuit. J'avais une nouvelle voiture à essayer. Un nouveau bijou qui venait s'ajouter à la liste de ceux que j'avais modifié. Celle-ci en l’occurrence, brillait peut-être par sa puissance, mais avait un poids largement plus léger que la moyenne.
Il n'étais pas plus de dix heures quand j'entamais le premier tour sur le circuit. Quelques petits tours s'imposaient pour tester le résultat de mes travaux. Faire tourner le moteur sur route me permettait d'entendre un éventuel dysfonctionnement, ou de détecter un défaut sur la mécanique. Pour cela, je ne me contentais pas de faire tourner la voiture dans les longs virages du circuit. J'effectuais toute sorte de manœuvres pour la tester. De brusques accélérations, des virages un peu plus serrés, des freinages d'urgence, des dérapages. Le tout de manière contrôlée et confiante, les pièces rajoutées ne provenant quasiment que de l'entreprise dans laquelle je travaillais. Une entreprise qui primait sur la qualité.
Enfin c'était ce que je pensais. Jusqu'à ce que qu'une partie de l'essieu avant ne cède en un craquement bruyant. Une faille. Une minuscule faille. Et tout basculait. La vitesse rendant la voiture abîmée totalement incontrôlable, le véhicule quitta bien vite la piste pour entamer une petite série de tonneaux dans l'herbe. Quelle façon bien conne de mourir. Pas le moindre mauvais geste, mauvais réflexe de conduite. Simplement une petite faille probablement microscopique. Non, impossible que ça se passe comme ça.
Ulan, fais quelque chose.
Aussitôt pensé, aussitôt fait. La voiture s'écrasa soudainement au sol, comme plaquée par l'air lui-même. Ce qui n'était pas visible, c'était le dragon qui venait de se poser ses antérieurs dessus pour la stopper. Quelle chance.

Oui, de la chance. Parce que bien que tout le temps présent, mon cher dragon ne pouvait agir instantanément, m'évitant la moindre égratignure. Il ne lisait pas l'avenir mais persistait au présent. Et puis, lui permettre d'agir sur le monde réel, d'avoir une soudaine solidité, existence capable d’interagir dans notre présent, me demandait un minimum de concentration et d'énergie. Le tout en pleine action, menant à un accident certain et violent.
N'attendant pas trop longtemps pour reprendre mes esprit après les secousses, je sortais de la voiture brusquement, ôtant le casque que je portais. Je n'avais pas fais d'erreur, alors pourquoi ? Pourquoi ?!
Un simple tour de la voiture me renseigna bien vite. Quelle plaie. Le matériel "parfait" que j'utilisais avait eu un défaut. C'était inadmissible, et ça avait surtout faillit me conduire à ma perte. Saisie par une soudaine colère, sûrement le résultat de la combinaison peur-adrénaline-résignation, je donnais un coup de pied dans la portière déjà bien amochée. Seulement, contre toute attente, ce simple geste relança la voiture dans sa course, l'envoyant quelques mètres plus loin. Quelle force hein ? Surtout quand mes émotions envahissent mon camarade, lui donnant ma colère et m'offrant sa force. Je n'avais pas envoyé bouler cette voiture, mais lui non plus. Nous l'avions fait, en même temps. Et le soucis était que nous avions été bien exposé, autant lui que moi, au milieu de ce circuit. Lorsque qu'il agissait dans notre réalité sous le coup de MA colère, le grand dragon se rendait visible aux yeux de tous.
Je soupirais en contemplant la carcasse de la voiture, bien plus courbée qu'à l'origine, et désormais avec une portière enfoncée. Les tonneaux ne l'avaient pas vraiment arrangée non plus. Elle était bonne pour la casse. Et j'avais bien faillit l'être aussi.

Heureusement qu'il n'y avait encore personne à cette heure-ci. Personne qui aurait pu se poser des questions sur le "pourquoi la voiture avait t-elle soudainement reprit sa course mystérieusement arrêtée avant le pire ?" Ou même, si le curieux avait été assez près : "Pourquoi un dragon est-il apparut l'espace de quelques secondes ?".

-Merci Ulan...

Merci d'être toujours là.

© Pandette de mon ♥.

Under control.

Bon, il fallait relativiser.
La voiture était morte.
De longues semaines de travail sur ce bolide venaient de voler en éclats.
J'avais faillit y passer, cette fois-ci.
Mais je m'en était sortie sans trop d'égratignures à part sur les bras, et peut-être quelques bleus.
Et puis bon, refaire une voiture n'allait pas me tuer. Après tout, je vis un peu pour ça.

Je laissais tomber mon casque par terre, ne me préoccupant pas le moins du monde de son état, ni des dégâts que ce simple geste pouvait lui causer. J'en achèterais un autre. C'était tellement rageant de se retrouver face à un tel échec que j'en oubliais tout le reste.
Jusqu'à ce qu'on me ramène à la réalité.
Je me tournais vers l'homme qui était sortit de nulle part. Enfin, d'après moi, puisqu'il n'était certainement pas apparu d'un seul coup. Mais disons que mon esprit était concentré ailleurs.

Je dévisageais soudainement l'inconnu, sans trop de tact. Depuis quand était-il là ? Que faisait-il là d'ailleurs ? Et surtout, qu'avait-il vu..?
Bon, ne pas paraître louche ou mal à l'aise. Je m'étirais et faisais quelques pas non loin, avant de me tourner vers lui.  

-Il semblerait que marcher reste dans mes cordes.

Je lui tendit une main pour le saluer. Après tout, en tant que pilote, l'image que je pouvais donner aux gens -du moins sur la piste- restait importante. Je plantais mon regard dans le sien, avant de continuer :

-Haiko Ryuko. Ou Swan, comme vous le souhaitez. Enchantée.

Je me tournais vers ma voiture, puis de nouveau vers l'homme. Son sac attira mon attention. Un photographe ? Mh.. Pas bon.
Je m'avançais vers la carcasse de ma voiture pour en ouvrir à nouveau la portière et me pencher à l'intérieur pour récupérer mon paquet de cigarettes. Je m'en allumais une et me rapprochais de mon interlocuteur.

-Je suppose que vous avez vu l'intégrale de l'accident ?

C'était assez gênant. A vrai dire, savoir qu'un parfait inconnu avait à coup sûr vu Ulan ne m'enchantait pas. Je n'avais même pas discuté ne serait-ce que quelques minutes avec lui avant. Et savoir qu'il possédait un appareil photo était encore pire.
Une telle photo était dangereuse. Dangereuse pour mon image. Dangereuse pour mon boulot. Dangereuse pour ma vie. Avec les traqueurs en ville, il n'était jamais prudent de garder des preuves évidentes concernant les mutations. Il leur serait bien trop facile de me trouver si par malheur ils tombaient sur une photo.
Je tirais sur ma cigarette, recrachant quelques bribes de fumée dans les airs. Comment amener le sujet de la photographie avec tact ?

-Bon, désolée d'être aussi brusque, voir inquisitrice, mais avez-vous pris une photo de l'accident ?

Pour ce qui est du tact, on repassera plus tard.

© Pandette de mon ♥.

Under control.

Cet homme parle beaucoup.
Et cet homme me semble louche.

Déjà, pourquoi s'est-il soit-disant hâté à mon secours ? S'il s'est, comme il le prétend, lancé à mon secours avant que la voiture ne soit arrêtée par mon compagnon, c'est que je me trouve face à un devin, ou un homme pouvant réagir a une vitesse incroyable. Le crash en lui-même n'a duré que quelques secondes. Le temps de réaction, plus le temps de se lever devaient déjà dépasser ces quelques secondes, et il avait de ce fait tout vu. Contrairement à ce qu'il prétend.
Et puis quand bien même aurait-il réagit avec une vitesse supérieure a la normale, comment espérait-il me secourir, au juste ? En sautant par dessus la rambarde de sécurité des gradins pour faire barrage de son corps afin de stopper la voiture lancée à pleine vitesse ? Laissez-moi rire.

-L'intention était bonne. Cependant, a la vitesse ou tout s'est déroulé, soit vous avez un don du genre hyper-vitesse qui vous a permit de vous lancer à mon secours avant même que la voiture ne s'arrête, soit vous me mentez.

J'inspirais. J'expirais. Il était inutile de s'énerver, ou même de se montrer agressive. Si cet homme avait vu Ulan, il ne lui restait qu'à avoir la jugeote de garder l'éventuel cliché qu'il aurait pu prendre pour lui-même. Mettre en colère un dragon n'est en général pas ce que l'on souhaite. Et maintenant que j'avais vu son visage, le retrouver ne serait pas spécialement un problème.
Mais inutile de partir aussi pessimiste que ça. Cet homme était peut-être quelqu'un de confiance et d'intelligent. Discuter avec s'avèrerait donc bien plus productif que d'entrer dans le jeu des menaces.
Je me tournais vers la voiture après sa seconde réflexion. Appeler une dépanneuse ? Mais non, pas la peine. Je l'attrape par le pare-choc et je la traine jusqu'à chez moi. Non, je plaisante. Je l'enlèverais moi-même, plus tard.

-Ça ira, je vous assure que je me sens parfaitement bien. Ce n'est pas la première fois que ça m'arrive. Et pour ce qui est de la voiture... Elle ne gêne pas ici, je passerais la récupérer plus tard.

Au moins le temps de se remettre de la contrariété.
J'écrasais le mégot et ouvrais à nouveau la porte de la voiture pour me pencher à l'intérieur et récupérer mes papiers. Importants, les papiers.

-C'est sûr que désormais elle est unique. Ce n'est pas un modèle courant au japon, mais elle est assez courante aux Etats-Unis. Ce qui est blasant, c'est de voir des heures de travail finir ainsi. J'en referais une.

De toute façon, je passe ma vie à refaire des voitures. Une de plus ou une de moins ne changera pas grand chose.

© Pandette de mon ♥.