BESTIALITY

musique – Y a des choses comme ça, vous savez, qu'on a pas trop envie de comprendre. Des choses qui vous tire par la main, avec cette sensation que si vous essayez de lutter, elle vous brisera les fallenges. Alors Reika s'était laissée faire, revenant à son état de catin délabrée, couchant avec le premier homme qui se présentait à elle. Cette fois-ci, il était nonchalant, sans doute saoul, et elle le connaissait un peu, juste un peu. Mais même pas assez pour être certaine de la couleur de ses yeux et la profondeur de ses pupilles. Jusqu'à cette nuit endiablée, il n'avait été qu'un nom. Gabriel. Qu'une fonction. Son boss. Qu'une popularité. Celui que tout le monde voudrait bien se taper.
Mais elle, petite prostituée perdue, elle n'avait sans doute pas vraiment envie de se le taper. Il avait juste profité de quelques caresses pour qu'elle soit en embuscade.

Elle devint alors un pauvre chaton dans de grandes mains humaines, et elle y succombait.

Ils s'étaient emportés et puis ce fut un instant de silence dans ses souvenirs. Il ne lui avait fallut que que quelques secondes pour comprendre qu'elle était accolée à un homme que beaucoup de femmes voudraient embrasser, et pour être franche, elle aurait sans doute offert sa place sans broncher. Parce qu'elle ne voulait pas, parce qu'elle savait comme tout serait, du début à la fin. Du plaisir et puis la fuite, le désespoir, une longue nuit en solitaire dans les rues de Tokyo, à se cacher dans l'ombre pour ne pas effrayer les passants. Et puis le retour à la réalité, se rouler en boule das un coin, pleurant en silence alors que Tokyo continue de vivre.
Et Reika elle coule, vous savez.
Elle coule dans les abysses du tourment.

Les lèvres de Gabriel sont humides et chaudes, électriques. Alors elle y répond, son corps ondulant comme un serpent en pleine chasse, sa langue suivant avec habilité la danse brûlante à l'intérieur de sa bouche.
Mais elle a envie de chialer.
Comme une gamine.

Pourtant elle continue, et elle se déchire en deux. Désir, crainte. Crainte, désir. Sang. Plaisir.
Reika s'accroche à ses épaules et elle se détache un peu, plongeant ses pupilles dans celles de l'homme qui avait planté ses griffes dans sa chaire.

« Je ne pense pas que ça soit une bonne idée... »

Murmurait-elle, essayant tant bien que mal de forger sa carapace à nouveau.
Celle qu'il avait détruite en la touchant.
Monstre.

BESTIALITY

musique – Une excellente idée, alors ?
Elle aussi, elle pensait que c'était une excellente idée d'être amoureuse, d'avoir un petit ami et de vouloir lui faire l'amour. Elle pensait que c'était une excellente idée parce que c'était un cap à passer pour se sentir femme, que c'était le début d'un tout. Elle pensait que c'était une excellente idée de se lancer dans un gang pour pouvoir se cacher, elle pensait que c'était une excellente idée d'être un fantôme et regardez-la, à baiser avec un pauvre type qui sent l'alcool à plein nez. Et regardez-la, se laisser faire comme un animal vulnérable et écervelé. Regardez-la à s'agripper à ses cheveux courts et à souffler de plaisir alors qu'elle continue de pleurer comme une enfant. Où est la femme ? Où est le tigre courageux ? Nulle part. Parce qu'elle n'a jamais été tout ça. Monstre dans un corps faux et maintenant dénudé.
Dans quoi venait-elle de s'engouffrer ?
Elle savait pourtant déjà quels étaient les nombreux avantages de Gabriel Evans hormis son physique de mannequin. Il avait un don qui sonnait comme une malédiction, dont il semblait s'amuser ce soir parce qu'il voulait juste la baiser avec rage. Pour extirper sa solitude de là juste un soir et se sentir dans un monde ordonné alors que l'extérieur, c'est juste un paysage détraqué, sans queue ni tête.

Reika fermait les yeux, le remontait jusqu'à son visage, l'embrassait doucement, le déshabillant de ses mains maladroites et puis elle en voulait plus. Son corps en voulait plus mais dans sa  tête, elle s'entendait hurler d'arrêter. Qu'il fallait pas. Non qu'il fallait pas, parce qu'elle voulait pas se réveiller dans draps rouges encore une fois.
Mais elle l'a fait, elle le ramenait contre sa poitrine, laissait ses doigts s'enfoncer dans son dos et y laissait ses propres marques de plaisir, son corps se tordant sensuellement sous les sensations aux apparences exutoires.
Tout cela était dérivatif, elle en perdait tout bon sens, laissant Gabriel se mouver en elle pendant quelques longues secondes de délice.

Stop.

« Stop. »

Soufflait-elle.
Putain de plaisir stupide.
Putain de plaisir illusoire.

« Arrête-toi, s'il te plaît, je veux pas. Mais bien sûr que si, son corps le voulait. Arrête, je t'en supplie, je vais... »

Une larme dégoulinait le long de ses pommettes blanches.
En vain.

BESTIALITY

musique – Jouir ?
Ahah.
Si seulement ça avait été ça.
Si seulement.

Reika avait essayé de le repousser, doucement. Par les mots puis par les gestes, appuyant avec maigreur contre ses épaules larges ; en vain. Elle put sentir son corps changer de l'intérieur, ses os commencer à ce déplacer comme lorsque l'on pousse une grosse pierre. Ca résonnait dans son crâne, ça lui faisait mal, ses organes se reformaient, ses membres s'allongeaient et sa peau se déchirait pour se transformer en carapace verdâtre. Son visage craintif devint celui d'un prédateur, sa bouche élargie, ses dents furent alors réduites au nombre de quatre tandis que ses yeux prirent une forme de soucoupe, tellement plus grands, translucides. Elle ne pouvait plus lutter, elle ne pouvait plus rien faire. Son humanité hurlait à l'aide alors que la bête venait de se réveiller de son long repos. Voilà déjà quelques temps que la jeune femme s'était abstenue pour ne pas se transformer et causer des morts.
Cette fois, c'était trop tard.
Mais elle voulut laisser une chance à Gabriel, car malgré la douleur, sa main dont on pouvait encore en distinguer des doigts humains repoussait avec violence le jeune homme encore sur elle, pour lui offrir une chance de fuir. Malheureusement, au moment où sa paume vint à toucher sa peau, c'est une gigantesque pince qui le heurta et qui se planta dans cette dernière.

Hanyu n'était plus Hanyu, elle devint Mantis, une mante religieuse terrifiante et gigantesque aux mandibules qui remuaient dans un son de frottement de couteaux. Elle s'extirpait du lit où le sang de l'occidental avait déjà un peu coulé, et elle n'en voulait pas plus.
Elle reculait de quelques pas, ses pattes heurtant les meubles, les fracassant, les tranchants. Elle était encore conscience de ce qu'elle faisait, alors elle luttait, elle luttait à l'intérieur pour s'en empêcher, pour ne pas se réveiller nue avec la tête d'un amant sur son ventre, détachée du reste de son corps, dans un bain de sang pâteux.

Alors la bête se remuait dans tous les sens, dans des hurlements animaliers qui pouvaient laisser le temps à Evans de se faire la malle. La tête de la mante géante s'écrasait contre les murs volontairement. Arrête, arrête, arrête !

Puis elle s'arrêtait de bouger, nettement.

Quelques secondes de silence.
De tension.
Et ses iris glissaient jusqu'à Gabriel.
Tout doucement.

Reika était partie.
Cours.

BESTIALITY

musique – Run boy run !
C'est sa faute, c'est pas la mienne. Moi je voulais pas, je voulais pas je vous dit. Il n'avait pas qu'à faire ça, il n'avait pas qu'à ignorer mes avertissements. Et j'veux pas le tuer même si c'était le pire des connards. J'veux pas sa tête entre mes mains, j'veux pas son sang sur mes lèvres et le goût immonde de sa cervelle dans ma gorge.

La mante suivait alors sa proie sans réflexion plus poussée que le désir de lui arracher son joli visage de ses épaules et de le brandir comme un trophée. Alors elle le suivait, dans une course folle, son corps durcit abîmant le sol et les murs contre lesquels elle se heurtait, glissant sur le parquet trop bien lissé jusqu'à ce que ses pattes finissent par le griffer. Ses ailes étaient inutiles dans un tel environnement, elle ne pouvait se permettre que de courir à vitesse folle parmi les pièces bien trop grandes pour un seul homme. Sa pauvre victime était réduite à l'état de mouche, s'agitant pour sa survie, sautant, courant, cherchant à se défendre. Reika n'était plus Reika, mais si elle avait toujours été là, elle serait en train de pleurer en lui disant de ne pas faire ça, de se cacher, de la tuer, faire que tout ça s'arrête. Et elle eut un léger espoir en voyant ce sabre serré maladroitement entre ses doigts. Mais il n'en fit rien, il le lui lançait juste dessus, remuant sa tête dans tous les sens à cause de la légère douleur. L'animal poussait un long soupir aigu, essayant de reprendre ses esprits, tournant sur elle-même avant de voir que la pauvre petite chose espérait trouver un abri derrière une porte.
Ridicule.
La tête de la mante fit un tour de cent-quatre-vingt degrés vers le bouclier de bois de Gabriel avant de reprendre sa marche, ses pattes usant le sol avant que ses couteaux, ses ravisseuses,  ne s'enfoncent avec haine dans le panneau.

Sa pince finit malheureusement par être prisonnière du bois, et, tentant de s'extirper de son propre piège, tirait d'un coup sec. La porte partie dans le mouvement, toujours empalée par la patte que Reika tentait de dégager. Alourdie par ce poids, cela ne l'empêchait pas de retourner sa tête vers Gabriel, le regardant avec envie. L'envie de le tuer pour le dévorer. Si les mantes religieuses dévorent leur partenaire, ce n'est pas par haine, elles sont juste prises d'une faim incontrôlable.

Mais Gabriel était pris au piège, en face à face avec son futur assassin.
Hanyu s'approchait de lui tout doucement et sa pince vint effleurer son visage, créant une plaie au niveau de sa tempe, manquant son coup une nouvelle fois. Et elle retenta, sa lame se plantant à plusieurs reprises dans son épaules pour l'empêcher de fuir une nouvelle fois alors que son corps à elle était bien trop grande pour pouvoir passer l'encadrement de la porte de la pièce où s'était réfugié le jeune homme.
Sa tête réussit à passer cependant, mais le reste de son corps ne pouvait pas suivre, notamment sa patte handicapée coincée dans le morceau de bois.

Son visage allongé et monstrueux s'approchait doucement de Gabriel, les deux êtres pouvaient sentir leurs souffles se mêler, leurs yeux se rencontraient à nouveau. Les mandibules de l'insecte remuaient, cherchant à l'attraper, en vain.
Elle restait alors là, à le regarder, afin de le saisir au premier faux mouvement vers elle.  

BESTIALITY

musique – T'es une humaine Reika, pas une putain de mante religieuse assoiffée de sang !
C'est vrai, ça.
Elle est humaine. Elle a des jambes, des mains, un nez, une jolie bouche, les cheveux noirs et les yeux bridés. Mais y a quand même ce monstre qui vit en elle, qui respire le même air, et pire, qui partage le même cœur.
Et pourtant elle arrive à écouter les paroles de Gabriel sans essayer de le massacrer, elle essaye de lutter parce qu'elle l'entend au fond d'elle, elle l'entend et elle veut croire à ces paroles qu'il ne fait pourtant que dire pour se sauver la peau. Pas pour l'aider elle, pour se sauver lui. L'homme est un animal égoïste, pourquoi se soucier des autres quand on peut ne se soucier qe de soi-même et assurer sa survie ainsi ? Tirailler entre la crainte du mensonge et l'envie d'y croire, la mante reste alors silencieuse, ces mandibules toujours acharnées à remuer devant le prostitué qui semble apeuré, comme un animal. Cette fois-ci, c'était lui qui était pris en embuscade. Son courage ne se voyait jamais qu'au lit, en fin de compte, voilà la triste réalité. Elle savait bien que c'était un connard, en fait. Elle voulait pourtant espérer en une mince présence de compassion à son égard. Mais il ne faisait que se sauver, sauver sa tête, sauver son futur. Reika pourra disparaître demain qu'il allait continuer de baiser comme un chien la première chose qui lui tombe sous la main en échange d'argent. Et il parlera, et elle partira, et tout recommencera.
Cependant, elle préfère croire aux mensonges.
C'est plus simple, ça lui permet de vivre de belles illusions. De se sentir bien dans cet artifice.

L'insecte cherche à dévorer une dernière fois sa proie, en vain,  il pousse un long cri plaintif avant de reculer d'un coup. La transformation prenait fin, sans doute pas parce que Reika l'ordonnait, seulement parce qu'elle avait atteint ses limites et qu'elle était fatiguée. Le monstre se prenait les pattes dans la table basse, la renversant elle et tous les objets de décorations, un cendrier et des vases se brisaient dans un son sourd et clinquant avant qu'à son tour elle ne tombe sur le dos, les pattes en l'air, comme une araignée morte.
Alors elle revint à son état d'origine. Humaine. Il ne restait plus que la peau muée de la mante religieuse sous son corps nue. Elle se roulait en boule, le dos courbé, le front contre le sol, sonnée et à la fois perdue.

Lorsque Reika reprit ses esprits, elle levait brusquement le visage vers Gabriel. Et elle pleurait encore. Elle pleurait parce qu'elle s'était transformée, encore, mais que cette fois-ci, elle n'avait pas réussi à le tuer, et elle en était soulagée. Mais qu'allait-il se passer par la suite ?

Son cœur battait un peu plus fort et comme un petit félin effrayé, la japonaise tentait de se lever, glissant sur les restes du monstres avant de retomber par terre à nouveau. A l'aide de ses jambes, elle poussait son corps jusqu'au mur, son dos le heurtant.
La totalité de son corps était en sueur, son maquillage avait coulé, ses cheveux étaient sales et tombaient comme des cordes usées contre sa poitrine. Son souffle était fort, agité, elle fixait avec horreur les dégâts, ne sachant que faire. Elle s'était toujours enfouie dans une ruelle pour pleurer et attendre que cela passe, mais ce soir c'était un peu différent, quelqu'un la regardait.

« ... Appelle les urgences pour toi. Et laisse-moi partir, je t'en supplie. »

Gémissait-elle dans un sanglot.

BESTIALITY

musique – Il pleurait, et il vomissait ses tripes. Peut-être parce qu'il venait de réaliser qu'une vie humaine pouvait être facile à ôter, qu'on ne pouvait pas faire confiance aux autres et que c'était douloureux au bout du compte. Reika le regardait, gardant son dos en pleine fusion avec le mur alors qu'elle écoutait Gabriel annoncer la triste réalité : il n'était pas un connard. Pas tant que ça. Son cœur se serrait encore un peu alors que l'espace d'un instant elle pensait que ces belles paroles n'avaient été que des mensonges pour se sauver la peau. En fin de compte, il n'en était rien, et il s'avérait qu'il la protégeait au péril de sa vie. Elle aurait aimé lui répondre que c'était peut-être bien là ce qu'elle méritait, finir en prison ou condamnée à mort par les traqueurs, c'est ce qu'elle attendait, car elle n'a jamais eu le courage de se faire du mal, et quand elle essaye, elle échoue, parce qu'une part d'elle brûle encore et lui dit de vivre, de consumer sa dernière bougie de vie pour voir jusqu'où le malheur peut-il aller avant de trouver repos.
L'asiatique le regardait, encore, toujours, le laissant s'en aller, prenant soin d'elle sans doute sans doute sans le vouloir, avec une bonté qu'elle n'aurait jamais pu soupçonner chez Gabriel Evans, salope en chef des bleus. Mais elle restait hostile à l'humanité, éternelle ermite, elle rampait jusqu'à cette peau immonde qui ressemblait à du papier mouillé. Elle la prenait dans ses mains et a serrait. La mue craquelaient sous la pression avant que Reika ne se décide à la balancer dans la première poubelle qui lui venait, affolée. Ses nerfs lâchaient, elle pleurait encore, mais elle n'avait pas envie de rester une minute de plus ici.

Saisissant rapidement sa robe sans prendre la peine d'aller à la recherche de ses autres vêtements, Hanyu s'empressait de retourner vers la sortie, et lorsque ses doigts effleurèrent la poignée, elle entendit des cris de douleur.
Alors elle se stoppait, nettement, l'air perdu, le front reposé contre la porte, qui, elle, avait survécu à l'attaque folle de l'insecte.

Deux choix s'offraient à elle : fuir et ignorer cet épisode de sa vie, ou bien rester et donner un sens à sa vie. Oui, donner un sens, parce que pour la première fois de toute son existence, elle pouvait sauver quelqu'un. Même si elle était la fautive de cette destruction, elle pouvait y faire quelque chose.
C'était la première fois.
Et elle ne pourrait jamais laisser ça s'écouler comme du sable entre ses doigts.

Reika a alors lâché son sac et a couru jusqu'à a salle de bain. La porte était bloquée par quelque chose, elle forçait un peu, tapant contre le panneau de bois, ses cheveux volants dans les mouvements tandis que ses sanglots s'étouffaient dans son souffle alerte.

« Gabriel ! Gabriel... ! »

Et dans un dernier effort, elle finit par entrouvrir la porte, réalisant que celle-ci était bloquée par le corps ensanglanté du prostitué. Merde.
Paniquée, elle réussit à se glisser dans la pièce grâce à sa minceur et se jetait près de lui, la tête reposée contre sa poitrine. Son cœur battait encore.
Elle pouvait le sauver.
Elle le pouvait, putain.

Les doigts délicats de Reika caressait la joue de Gabriel avec tendresse, et elle pleurait encore. Parce qu'elle pouvait le sauver, mais elle ne savait pas comment faire.

« Garde les yeux ouverts. »

Murmurait-elle.
Et c'est là que la jeune femme réalisa qu'elle n'était pas capable de sauver une vie. Elle pouvait les détruire, mais les sauver non. Parce qu'elle ne pouvait pas soigner qui que ce soit, c'est à peine si elle comprenait comment mettre correctement des bandages. Et devoir soigner les blessures qu'elle a elle-même infligée la torturait.
Alors tant pis.
Elle en payerait les conséquences.

Hanyu retournait vers l'entrée où ses vêtements avaient été abandonné, attrapant son téléphone portable tout en revenant vers Gabriel. Elle composait le numéro des urgences.
Agenouillée à ses côtés, elle n'entendait rien d'autre que le bip d'attente et son souffle. Même le cœur du garçon était à peine audible.

Une voix au bout du fil résonnait.

« Il. Il y a un homme blessé je. »

Elle reprit son souffle, son calme.
Reika décrit alors l'état de la victime, comme elle avait appris à le faire au lycée, c'était aujourd'hui un maigre souvenir. Mais ils allaient bientôt arriver, et ils allaient le sauver.
Coupant son téléphone, l'abandonnant dans une marre de sang, Reika baisse la tête, faible, incapable.

« Y a pas de héros, Gabriel. Sauve-toi avant de sauver les autres. Je suis tellement désolée pour t'avoir fait ça... »

Elle lui caresse les cheveux.

« J'ai déjà fait trop mal, je veux pas gâcher la seule chance que j'ai d'aider quelqu'un. Alors survis putain ! Survis ! J'assumerai ce qu'il adviendra par la suite alors survis... J'pensais que t'étais aussi un menteur, que tu disais tout ça juste pour te sauver mais j'avais tort, tu dois être quelqu'un de merveilleux alors t'as pas intérêt à crever comme ça, tu m'entends ?! »

Elle hurle, elle garde espoir.
Pourtant ses épaules sont basses et sa voix tremble.

BESTIALITY

musique – En vérité, elle aurait aimé être une héroïne plutôt qu'une super méchante aujourd'hui. Mais c'est à ça que son travail se limitait, elle ne pouvait rien faire de plus, juste attendre. Elle était assise dans une marre de sang, et  elle en était arrivée à un poing que cette couleur et cette texture ne l'effrayaient plus vraiment. C'était une vision habituelle, et malgré ça, Gabriel l'obligeait à s'en aller.
Reika restait le fixer silencieusement, les yeux dans les yeux, perdue. Parce qu'il suffirait d'un faux pas pour tout foutre en l'air et laisser cette épave couler ainsi, au milieu de sa salle de bain. Et si elle l'écoute, et qu'il meurt, est-ce qu'elle s'en relèverait ?  La réponse lui était plutôt évidente, mais elle ne voulait pas précipiter les choses.

La jeune femme se mordait la lèvre avec violence et frottait son visage sale.

« Ne meurs pas, alors. »

Elle se relevait, manquant de glisser sur le carrelage. Et ça lui faisait du mal, de l'abandonner ainsi. Mais elle n'avait pas le choix, n'est-ce pas ?

« Merci. »

Fut son dernier murmure.
Et sur ces mots, Reika se précipitait dans la pièce principale, récupérant la totalité de ses affaires, faisant comme-ci elle n'avait jamais passé le pas de la porte. Reika ouvrait la vitrine, sortant la bouteille de vodka comme le lui avait demandé Gabriel, éparpillant un peu d'alcool pour simuler la folie ivre et passagère du prostitué avant de déposer la bouteille près du corps gisant. Un dernier pincement au cœur et il fallut partir, elle pouvait entendre les sirènes de loin.

Alors elle s'est mis à courir, longeant le couloir aux lumières agressives. Elle courrait jusqu'à en perdre haleine, jusqu'à en perdre l'équilibre. Elle fuyait avec un maigre sourire, parce qu'elle avait eu la sensation de réparer quelque chose.

Et que quelque chose en elle venait de se réparer.
La confiance.