Le monde est vaste, et plus vaste encore est le cybermonde. C’est un entrelacs si tortueux qu’il est facile – trop – de s’y perdre et de passer plus de temps qu’on ne l’aurait souhaité à surfer de pages en pages web. Le web, tient. Ou la toile en anglais. Aucun autre mot ne peut être plus adapté que celui-là. La toile d’une araignée gigantesque qui emprisonnait ses victimes dans ses filets pour les manger plus tard. Un animal tentaculaire, vicieux, précieux… Magnifique, il faut l’admettre. Presque si ce n’était pas mon totem.

Pour l’instant, la seule chose que j’ai envie de faire est de balancer mon ordinateur d’une célèbre marque à la pomme par la fenêtre. Jeter l’équivalent d’un mois de salaire lambda sur le parquet de ma chambre, là, et me rouler dans ma couette pour y bouder jusqu’à regretter mon acte stupide, ce qui me prendrait environ une dizaine de minutes. Car, à l’inverse de ce que les gens pensent de moi, je sais la valeur de l’argent. Et ça me briserait le cœur de voir deux millions de yens éparpillé par terre, touches, écran et jointures cassés, irréparables. Sans compter les trous sur le parquet à reboucher. Bref, un gouffre financier plus coûteux que toutes les tenues de Byakuya Kô réunies. Ca n’en valait pas du tout la peine.  

Pour l’instant, donc, je me contenterai de tapoter nerveusement du bout des doigts sur ma table. Ah, maudite connexion internet… pourquoi fallait-il que cela arrive pile poil aujourd’hui ? En plus, j’ai faim. Dans un sens, cela tombe bien. En attendant que ma box, qui s’était mystérieusement éteinte quelques minutes plus tôt, se rallume, j’avais le temps de me préparer quelque chose. Ou de commander, plutôt. Bonne cuisinière, moi ? Autant qu’un poisson hors de l’eau, plutôt. Soupirant, je compose le numéro de mon sushiya préféré, regardant d’un air ennuyé l’icône de la wifi toujours grisée et non noire comme à son habitude. Arf…

« Bonjour, j’aimerais un bento de saumon et de thon, s’il vous plaît. Pour deux personnes. »

On ne savait jamais. Apparemment, les gens aimaient à me rencontrer à toutes heures de la journée, ces temps-ci. Mieux valait être préventive. Au pire des cas, mon estomac ne serait pas contre une portion supplémentaire.

Soudainement, alors que je raccroche, mon ordi devient noir. D’un noir d’encre. Et ça, ce n’est pas normal. Tout neuf, il ne devrait pas buguer de la sorte. Saisissant de nouveau mon smartphone, je commence à saisir le numéro d’un de mes hackers avant de me raviser. J’avais deux ou trois notions dans ce domaine. Si vraiment je n’arrivais pas à gérer la situation, alors je demanderais de l’aide. Mais, pour hacker mon ordinateur, le système mis en place par les membres les plus talentueux de ASGARD, il faudrait un adversaire de génie. Peut-être même celui que nous recherchions depuis quelque temps.