Vous savez, parfois, il nous arrive d,avoir un sentiment d’Avoir fait quelque-chose de mal. De très mal. Quelque-chose qu’on n’aurait pas dû faire, sous aucune circonstance, malgré les tentations, malgré toute la pression. Il arrive d’avoir ce sentiment qui nous ronge et qui nous dit que, finalement, on est de mauvaises personnes. La culpabilité ronge, affecte l’esprit, le corps, rend malade. On cherche à se repentir, à trouver une issue. On se sent tellement, tellement mal qu’on fait tout pour retrouver ne serait-ce qu’un peu d’humanité.
… Naaaaah.
Parce que sérieusement, ils le méritent. Sérieusement, ils l’avaient vu venir.
Assholes.
Roksana a passé la nuit à élucider le mystère derrière ces données récupérées. Elle a passé la nuit à sillonner chaque document, chaque parcelle. C’est trop intéressant pour le garder pour elle. Trop intéressant pour que ça ne soit pas dévoilé au grand jour.
Reste qu’elle avait fait quelque-chose d’interdit, qu’elle avait transgressé non pas les lois de cette stupide nation, mais de Tikal. Ça avait été une mission dangereuse – s’être fait prendre aurait pu entraîner des conséquences désastreuses, non seulement sur elle, mais sur le reste du gang, considérant qu’ils étaient tous si unis – qui n’aurait jamais été approuvé par le Grand Manitou.
Qu’importe. Elle l’avait fait pour Seiryo, pour s’aider elle-même, pour transcender son sentiment profond d’impuissance et de tristesse. Ça avait bien fonctionné, de tout mettre le reste de ses émotions. Ça avait bien fonctionné et Dieu que ça avait fait du bien. À quand, la prochaine mission suicide?
Roksana ouvre les portes du QG. Aoguro devait y être, aujourd’hui. Il fallait choisir les temps : il n’était plus aussi souvent là, pour une raison quelconque, qu’il ne l’était avant. C’était triste, il était tant apprécié, alors pourquoi s’évadait-il, au lieu de veiller sur eux comme le grand sage qu’il était toujours, comme le père veille sur ses nombreux enfants?
Clac. Clac. Ses souliers résonnent contre le plancher clair. La salle de conférence. La salle d’ordinateurs. Le bureau du Big Boss. Doucement, elle cogne à la porte, sachant que, celle-ci étant ouverte, elle est la bienvenue. Simple politesse. Pas comme les autres fois où elle est rentrée sans rien dire pour dire des trucs cools.
Ça, c’était le truc le plus cool, mais elle ne montrait pas son excitation aussi vite. Elle lui offre un sourire, refermant la porte derrière elle.
« So uh. First of all, hi. It’s been a while, hasn’t it? I’m… Sorry, for that. I needed some time to think, I guess. »
Du temps pour penser, elle en avait eu en masse. Des mois pour penser. Penser et tout remettre en question. Elle soupire, s’avançant vers le bureau, sans s’asseoir sur la chaise. Elle était bien, debout. Elle s’assoirait plus tard.
« But I’m back now! You’re not gonna get rid of your best hacker so easily! » Petit rire nerveux. Elle racle sa gorge. « Anyway. I’m not really here for that. I’m here for this. »
De son sac déjà ouvert, elle en retire sa main qui y était déjà enfoncée, posant un disque dur externe sur la table. Elle hausse un sourcil, son sourire s’élargissant.
Un matin à Tikal. Ils se faisaient plus rare chaque jour, depuis qu'il avait hérité d'une demoiselle à son domicile. Demoiselle qui ne dormait presque pas plus que lui, et qu'il ne pouvait laisser en pleine nuit, ni même au petit matin. Mais voilà, la nuit dernière, Tara avait découché. Comme un pendule qu'on cesse de perturber, il avait immédiatement retrouvé son rythme de vie, et était arrivé au QG vers six heures du matin. Il en avait profité pour faire un grand ménage dans son bureau, qui prenait la poussière depuis qu'il le fréquentait moins. C'était fou comme l'Univers reprenait vite ses droits. Laissez une pièce parfaitement propre sans contact humain quelques semaines, il n'y aura plus aucune ressemblance. Le jour était déjà levé depuis longtemps lorsqu'on toqua à la porte de son bureau. Jamais verrouillée, il n'avait qu'un secret pour sa famille, et ce secret était caché au plus profond de son crâne. Là où personne n'irait jamais le chercher. Aussi impassible qu'il aimait l'être, la vue de Roksana lui ouvrit la bouche, ses sourcils s'arquant. S'il jouait aux abonnés absents depuis quelques temps, elle le surpassait largement. Depuis la mort de Sei. Rien que d'y penser assombri son regard. Et dire qu'il ne pouvait pas avancer sur ce dossier, qui aurait du être au sommet de la pile, surpasser n'importe quel autre. "Venger sa famille." Mais c'était impossible. Tant que Masato serait comme ça, il ne pourrait rien en tirer. Soupirer étai tout ce qu'il pouvait faire. Argh, l'anglais. Il avait totalement oublié ce détail, oublié que la blonde s'exprimait plus facilement en anglais. Well, time to practice then !
- Hi Roxy, glad to see you, you look better than what you used to. Here, have a seat, my tea is almost ready, I hope you won't mind sharing a cup with me. I'll take this, just let me connect it.
Ca allait. Il cherchait ses mots dans sa tête, mais dans l'ensemble, il ne pensait pas avoir trop insulté les américains. Seigneur, en plus il avait la nationalité américaine, quelle honte ce serait s'il n'arrivait pas à suivre une simple conversation en anglais ! Enfin, plus important, elle avait piqué sa curiosité. S'il avait entendu parler de l'inauguration de la maison des Nakamura ? Bien entendu. Ces arrivistes de l'extrême, qui s'étaient retrouvés propulsés à la tête de Motors District avec la mystérieuse disparition de l'héritier historique, il les connaissait. De nom, bien entendu. Ils n'étaient pas du même monde. Mais à priori, ils étaient dans le même camp pour trois ans. Aucun doute qu'ils étaient eux aussi les chiens des traqueurs. Au moins Mushido. On ne prend pas la tête d'une telle entreprise sans un soutien puissant. Et le développement des artefacts avait suivit son ascension au pouvoir. Comme par hasard.
L'écran s'alluma, tandis que d'un clic, Aoguro lançait l'ouverture des fichiers. Tournant le dos à l'appareil, il s'approcha de Roksana avec une tasse de thé, fumante. Une autre était déposée de son côté. Une pression sur une télécommande projeta ce qu'affichait le moniteur sur un mur blanc, en bien plus grand.
- Is it what I think this is ? Do you know how irresponsible it is, do steal that without letting me know ?!
Pas vraiment fâché. Plus inquiet. Inquiet de comprendre ce qui avait poussé la jeune fille à faire ça.
La malice peut presque se sentir au creux de son être tant elle est visible dans son regard. Roksana n’est pas qu’un peu fière de ses exploits. C’est magistral, ce qu’elle a réussi à accomplir. De rentrer dans le système de cet ordinateur, là-bas, ça aurait pu être hyper complexe pour n’importe qui, mais pas elle. Elle avait transcendé ses propres capacités de hacking en une soirée, fait son plus beau coup à vie. Fière, oui, mais en venant ici, elle ne s’attendait pas à être loué pour ses gestes, bien au contraire. Elle a piqué sa curiosité, mais le fait d’avoir fait ça pouvait facilement aller piquer son inquiétude.
Aoguro se déplace, lui demandant de s’asseoir. Il allait préparer du thé, déjà en train d’infuser dans une théière, avant de jeter un coup d’œil sur ce qu’elle venait d’apporter.
Du thé.
Ça fait un moment qu’elle n’en a pas bu. La dernière fois, c’est avec Rosa. Rosa aimait bien le thé. Elle, moins. Ça rappelle des souvenirs et ça lui fait garder son sourire sur son visage alors qu’elle s’empare de la tasse pour siroter doucement. C’est chaud, mais la chaleur est bien.
Roks porta son regard rosé sur le mur blanc, affichant désormais les fichiers qu’elle avait acquiert lors de sa dernière pêche aux codes. Mine de rien, elle avait dû chercher assez loin. Ils n’étaient pas directement sur l’ordi, mais sur le réseau de Motors District en lui-même, cachés par de nombreux codes d’accès et par des encryptions puissantes. Il fallait s’en douter, venant d’une compagnie d’informatique, de robotique et de mécanique. Après tout, ils étaient les rois dans le domaine.
Motors District a sous-estimé Tikal, cependant. Et ils allaient bientôt en payer le prix. Ça ne prend que quelques secondes au Big Boss à comprendre ce qui se passe vraiment. Quelques secondes avant qu’il ne prenne conscience de ce qu’elle a fait, du risque qu’elle a pris. La surprise de voir ces informations sur son écran n’est pas plus grande que l’inquiétude qui se pointe dans sa voix alors qu’il s’exprime.
Le sourire de Roksana disparaît.
« I know, but… If I had told you I was going to do that, you would never have let me. » Murmure d’enfant qu’on vient d’attraper à faire un mauvais coup, la tête baissée. « And you should have seen them, there, they were all so dumb, they never saw me come and go. I was in and out. No big deal, really. »
Mais elle comprend les risques, car il y avait eu des gardes. Elle comprend les risques, car s’ils l’avaient pris, elle aurait pu prendre cher. Elle aurait pu prendre cher, mais elle avait besoin de le faire pour se remettre de son deuil. Elle avait eu besoin de ça pour pouvoir continuer.
« But you have to see all this. I’ve been up all night trying to make sense of all of it. We could finally fight back. »
Ceux qu'il ne pouvait pas pardonner. Les responsables du chaos ambiant à Tokyo. Les grandes entreprises, qui se servaient du petit peuple comme on se sert d'un playmobil. On s'amuse avec, on le casse, on le jette. La firme pharmaceutique qui employait Aoguro en 2008 n'était plus, mais l'esprit demeurait. Paris Avenue. Color Street. Et Motors District, la chienne des traqueurs. Ces trois noms, c'étaient ceux des responsables des combats de gangs, ceux des ennemis qu'Aoguro avait décidé d'abattre lorsqu'il avait pris la tête de Tikal. Non, même avant cela, lorsqu'il était encore masqué et en noir, dans l'ombre de Daichi. Il projetait déjà de manipuler le chef pour qu'ils s'attaquent aux suppôts du gouvernement, à l'économie. Même s'il voyait en lui un ami proche et irremplaçable, celui qui lui avait rendu son humanité, la part vindicative de son âme ne pouvait s'empêcher de trouver agréablement bien calculée l'exécution de Daichi par les traqueurs - il n'avait pas vu l'ancien chef, que ce soit à No Dawn ou dans une fiole étiquetée, mais il était convaincu qu'il était là-bas, quelque part.
Jamais, oh non, jamais il n'aurait approuvé une mission d'infiltration dans la demeure des Nakamura, surtout pas pour Roxy, dans l'état dans lequel il la pensait. Mais elle avait réussi. Là où il aurait misé contre elle, elle avait remporté le gros lot. Au fur et à mesure qu'il lisait les noms de fichiers, survolait les documents, sa fierté grimpait autant que son horreur. Artefacts. Mutants. Traqueurs. Heptagramme. S'il n'avait jamais cru que les traqueurs souhaitaient soigner les mutants pour en refaire de simples humains, il n'aurait jamais envisagé qu'ils aient une telle usine sous le sol de Tokyo. Grand diable, c'était des centaines de mutants qui étaient continuellement vidés de leurs intérieurs avant d'être soignés. Tout ça pour fabriquer des armes plus puissantes. L'homme était vraiment détestable. Ils n'allait pas s'en tirer comme ça. Officiellement, il ne savait pas que Motors District était affilié aux traqueurs. Secret de Polichinelle, mais secret tout de même.
- Roxy. I love you. Deeply. I'd like to scold you for hours, because you did something really risky. But you won your gamble. This shit. We're going to squeeze every drop of money from Motors District with it. Could you hack their homepage, erase it, then put our symbol, with a cute message to the CEO ? It should be something like : "Avons trouvé informations confidentielles sur la fabrication des artefacts, merci de nous contacter pour les récupérer. Tout acheteur est le bienvenu, Tikal ne discrimine pas. Les enchères s'achèvent dans 3 jours". Then, mail the website to all the newspaper, with a screen of what we're seeing, so they know it's the real deal.
Il marqua une pause. Oui, ça allait le faire.
- When it'll be over, they'll be crying on thein knees. Like some little bitches. Good job Roxy !
Sur le projecteur défilent tous les projets apparentés à Motors District qu’elle venait tout juste de piquer. Plus les dossiers avançaient, aux mains du chef des Jaunes, plus son visage semblait s’éclairer d’une lueur qu’elle ne connaissait qu’à peine, quelque-chose qui annonçait bien d’autres projets, une moue entre la surprise, l’inquiétude et l’anticipation. Elle n’en aurait, bien sûr, aucunement pensé autrement du chef. Elle savait à quel point tout cela avait été risqué et à quel point elle aurait pu y rester.
Maintenant plus que jamais. Elle avait bien passé la nuit à tenter de tout déchiffrer, pour apprendre d’horribles choses quant aux artefacts.
Tous ces pauvres mutants. Comprendre que, en se faisant prendre, elle aurait pu se retrouver à leur place, son corps utilisé afin de créer un objet, qui, entre de mauvaises mains, aurait pu faire du mal.
C’était horrible, comme pensée, et elle s’était décidée à la chasser hors de son esprit. Si Rosalind savait ce qu’elle faisait, elle lui en voudrait à jamais. Autant ne pas lui dire.
Et voilà qu’Aoguro s’exclamait, ses paroles incrédules se mêlant d’une fierté fervente, d’une malice beaucoup plus grande
Roksana reprend son sourire, qui s’élargit au fil des paroles. Elle prend des notes mentales sur ce qu’elle devra écrire, hoche la tête, complice. Elle ne comprend pas exactement l’entièreté de ce qu’elle doit écrire, le tout étant en japonais, mais elle s’en sortira.
Elle s’en sortira, et ce qu’elle fera ramènera un bon nombre d’argent à Tikal, sortira ceux qui en ont le plus besoin de leur misère; c’est tout ce qu’elle a besoin de savoir pour continuer.
« No problem, big boss, it’ll be done. It’s not like I’ve never done anything like that before. I’ll send them our best regards… And watch them fall with much pleasure. »
Hacker un site web, ce n’est rien de bien compliqué. C’est beaucoup moins complexe que de hacker une ville entière afin d’envoyer un message de mort à quelqu’un, surtout. Ce sera un jeu d’enfant. Et elle compte s’y mettre dès maintenant.
Se relevant de sa chaise, elle finit en quelques gorgées brûlantes le thé offert quelques minutes avant, laissant le disque dur à la portée d’Aoguro alors qu’elle replace une mèche de cheveux.
« Give me a few hours and I’ll be done. You should call the others. I’m sure they’ll appreciate a little briefing on our magnificent discovery. I’ll be in the computer room if you need me. »
Faisons parler de nous.
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Epic WIN | ♦ - Aoguro
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