A lire avec ça ▬ Il pleuvait beaucoup ce jour là. A croire que l’été s’était décidé à mourir avant l’heure. Le ciel s’était ouvert sur des hectolitres d’eau se déversant sur les pauvres mortels qui continuaient mécaniquement leur pauvre vie dénuée de sens profond. Certains, cependant, semblaient avoir quelque peu brisé la monotonie du quotidien. Ils avaient laissé de côté leur vie de bureau, leur ouvrage de mort, leur sculpture en papier mâché pour un évènement pour le moins désagréable. Et oui, aujourd’hui, on enterrait Amanda Hatsuyo. La valse de l’hypocrisie devait commencer à onze heures précises mais elle n’attendit pas l’heure pour se dérouler devant le petit cimetière de quartier où on allait l’enterrer. Les anciens collègues de ses deux emplois se confrontaient les uns aux autres en évoquant à quel point c’était un modèle pour eux. Si seulement ceux qui parlaient de pub savaient que les autres parlaient de massacres. Et Amanda observait, perchée dans un immeuble à côté, assise en tailleur sur la moquette d’un appartement vide de tous meubles. Elle avait truffé le cimetière de micros et de caméras et se délectait de ce qu’elle entendait. Elle avait même invité Néron à venir, le seul qui sache alors qu’elle n’était pas morte. Peut-être viendrait-il. Aujourd’hui, Amanda était morte. Et bon Dieu ce qu’elle avait hâte d’entendre les vivants vanter ses mérites.
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POINTS : 15 MESSAGES : 16 DATE D'INSCRIPTION : 16/08/2014
Ca a toujours un petit goût amer, de se piquer les doigts avec une fleur qui sent le deuil. Tes doigts glissent machinalement au travers d'une composition que tu ne connais que trop bien. Du blanc, du crème, ils ne veulent pas de rouge, le rouge c'est la douleur, c'est le regret : c'est montrer à l'âme du défunt que sa mort n'est pas juste. C'est se torturer un peu plus.
Les crisanthèmes sont monnaie courante : les plus claires ne sont pas forcément les plus accessibles, mais leur résistance est sans pareille. Le ciel est capricieux comme pour justifier tes choix. Des feuilles vertes, quelques roses, des jeunes pousses et un majestueux lys blanc qui trône en roi. Lui parle de lui même, c'est un adieu, un adieu effrayé et solitaire.
Le klaxon retentit alors que tu laisses une dernière caresse pour stabiliser la plante. Le camion comme son chauffeur vrombissent, ils sont impatients d'en finir, ce temps achève le peu de sérénité qu'ils conservent.
On te jette à l'assaut avec pour seule compagnie les fleurs et la pluie. Ton kawai recouvre presque entièrement ton visage, ça t'arrange presque. Tu arrives au cimetière comme toujours : La guest, la VIP, celle qui a le droit aux premières loges du trou boueux qui hurle sa faim. On t’accueille avec des cernes, un demi-sourire et un regard plongé dans la verdure.
- C'est la commande au nom d'Amanda Hatsuyo.
On daigne à peine te répondre, on te donne même plus d'argent qu'il n'en faut, ils ne veulent pas la monnaie, ils s'en foutent. A force, tu n’insistes même plus, tu ne remercie même pas, tu te contentes de baisser le regard vers la future tombe.
Et puis on te demande l'impossible. Porter les fleurs jusqu'au trou, et, quand le moment sera venu, distribuer les autres afin que tout le monde puisse en jeter sur le cercueil. Tes lèvres se crispent, font mine que tout va bien, que c'est quelque chose à laquelle tu es habituée, mais non.
Les minutes passent comme des heures, attendre ici te démoralise, savoir qu'une pléiade de visiteurs t'attend te fait angoisser. Même la pluie mordante n'est rien à côté d'une situation qui pourrait t'échapper. Tu clignes des yeux, une fois, deux fois. C'est embrumé mais ce n'est que de l'eau.
Katsu soupirait devant sa glace. Elle détestait cet uniforme. Cet uniforme sombre, qui oscille entre le bleu foncé et le noir, qu'elle ne sortait que pour un seul évènement: des funérailles. Veste d'uniforme, chemise blanche, jupe droite, chaussures à léger talons et enfin, le béret sur ses cheveux attachés. C'était son ancien uniforme de policière, mais elle préférait le garder que de s'habiller en noir, car c'est ce qu'elle mettait tout le temps. Dehors, la pluie tombait à flots, comme pour rajouter encore de la tristesse.
Aujourd'hui, Katsu participait à l'enterrement d'une de ses supérieures: Amanda Hatsuyo. Elles ne se connaissaient qu'en tant que collègues, mais s'entendaient relativement bien. La nouvelle de sa mort en avait choqué plus d'un au QG des Traqueurs, et certains de ses plus proches collègues commençaient déjà à préparer une riposte en vengeance. Pour Katsu, ce n'était qu'une perte de temps...
La brunette prit son parapluie et sortit affronter le vent et le froid. Ne pouvant utiliser sa moto dans ces conditions, elle choisit d'y aller en bus. Une fois au cimetière, elle salua quelques personnes d'un signe de tête, alla présenter ses condoléances à la famille, et resta à l'écart. Elle aperçut la fleuriste, qui semblait très mal à l'aise, arriver. Elle attendait la suite...